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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 28.djvu/78

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REVUE DES DEUX MONDES.

paisible sa majesté la reine… — Castillan ! Allons, allons, ne vous fâchez pas. — Il ne fallut pas beaucoup de temps pour que le Portugais à la mauvaise figure et l’Espagnol aux bonnes paroles marchassent de conserve comme compère et compagnon.

« Ils avaient à peine fait quelques pas dans le village, lorsque le bruit se répandit au loin qu’un vassal de sa majesté impériale venait d’arriver. Sa majesté impériale ne voit pas tous les jours un vassal qui lui appartienne, attendu que tous ses vassaux sont dans les nuages. Aussi arriva-t-il ce qui devait arriver : quand il y a beaucoup de vassaux et seulement un roi, ce sont les vassaux qui accueillent le roi ; mais ici les rois étaient en nombre et le vassal unique. Aussi les rois ne manquèrent-ils pas de fêter l’arrivée du vassal. Les cloches sonnèrent à grande volée. Notre Castillan tout étourdi ne savait ce que cela voulait dire.

— C’est donc grande fête aujourd’hui ? demandait le bonhomme.

— On fête l’arrivée de votre seigneurie, seigneur Castillan. — Mon arrivée ! voyez un peu la différence ! En Espagne, je vais et je viens sans que personne y fasse attention ; mais, dans ce pays-ci, je vois que l’on s’occupe fort de ce que font les autres.

« Cependant ils arrivèrent à une maison de peu d’apparence, dont l’enseigne portait ces mots en lettres difformes :

JUNTE SUPRÊME DE GOUVERNEMENT
DE TOUTES LES ESPAGNES ET DES INDES, ETC.
 »

Nous regrettons de ne pouvoir copier toute cette peinture à la Hogarth de la junte et de ses délibérations, le ministère des finances n’ayant pas un maravédis, le ministre de la guerre presque aussi riche, et la discussion qui s’ensuit. Le même Larra est auteur d’une vive et trop juste critique du temps où nous sommes, intitulée l’A peu près. Il y traite impitoyablement l’à peu près du génie, de l’esprit, de la liberté, de la royauté, de la peinture et de la musique, dont notre époque est victime et témoin.

Les écrivains humoristes sont donc, avec les érudits et les dramaturges, ceux qui nous semblent, parmi les Espagnols modernes, mériter le plus d’éloges. Les squelettes noirs, les pirates bruns, les copies de Byron, les nuages ossianiques, les pastiches de Radcliffe, nous touchent peu. Ces choses d’emprunt, plus ou moins habilement copiées, revêtues du beau langage lumineux et des vastes draperies de la phrase castillane, produisent une sensation désagréable plutôt