voudrait se charger de la police de l’Espagne ? Sans parler de toutes les autres difficultés, ce ne serait pas là l’œuvre d’un jour, d’une semaine, d’un mois. Il faudrait peut-être des années : sans cela, l’entreprise serait aussi téméraire qu’inutile. Par la position géographique de l’Espagne, les troubles de la Péninsule ne peuvent inspirer aucune alarme aux puissances du Nord. Elles n’ont donc ni raison ni prétexte de se mêler des affaires d’Espagne. La France et le Portugal ont seuls le droit de veiller attentivement à leurs frontières, et de prendre, le cas échéant, toutes les mesures que leur commanderaient la sûreté et la dignité du pays. Pour cela, la France n’a besoin du consentement ni du secours de personne. Lorsque l’Autriche crut (à tort ou à raison, peu importe ici) que les troubles de l’Italie étaient un danger pour les possessions transalpines de l’empereur, elle ne réunit pas un congrès pour lui demander la permission d’occuper les légations. La France, à son tour, occupa la citadelle d’Ancône ; elle fit très bien ; c’était une garantie d’autant plus nécessaire que les craintes de l’Autriche n’avaient pas été sérieuses. Quoi qu’il en soit, notre droit à l’égard de l’Espagne n’a besoin ni d’appui ni d’exequatur. Ce droit lui-même au surplus n’est, dans ce moment, qu’hypothétique ; les troubles de l’Espagne s’apaisent au lieu de s’aggraver, et nos frontières comme nos intérêts sont à l’abri de tout danger.
Quant au mariage de la reine Isabelle, la politique la plus vulgaire commande de ne pas s’en préoccuper dans ce moment, peut-être même de ne pas s’en occuper du tout. Qu’on laisse aux passions politiques le temps de se calmer, et les Espagnols comprendront d’eux-mêmes combien il leur importe d’éviter tout ce qui pourrait compliquer leur situation et altérer leurs rapports de bon voisinage et de commerce.
Les affaires d’Orient sont loin de promettre un avenir paisible. La Syrie est toujours profondément agitée. L’intrigue y trouve des passions farouches à exploiter, des rivalités de race et de croyance à mettre en jeu ; d’un autre côté, l’administration turque est une véritable provocation à la révolte. À Constantinople, on a tous les vices, toutes les faiblesses, toutes les misères du bas-empire aux derniers jours de sa longue et douloureuse décadence. À genoux devant les forts, insolent avec les faibles, le gouvernement turc se prépare de nouveaux malheurs par une politique décousue et sans suite. Il épuise ses finances par des dépenses militaires absurdes et sans but. Il faut que la Porte se dise bien que le sabre des Mahomet et des Soliman est brisé. Le jour où la force devra décider la question, ce ne seront pas les hordes turques, mais les bataillons et les escadres de l’Europe qui prononceront le jugement. La Porte devrait se rappeler Nézib. Voilà son avenir militaire. Il faut se résigner et vivre au jour le jour, de la vie terne et précaire que fait à l’Orient la diplomatie européenne. L’Orient doit se tenir accroupi dans sa misère jusqu’à ce qu’il plaise à l’Europe de lui dire : Lève-toi, jette ces lambeaux et renais à une vie nouvelle ! Ce n’est pas aujourd’hui, ce n’est pas demain que ces paroles iront frapper l’oreille des Asiatiques.
L’agonie de l’Orient peut se prolonger, car, à moins d’évènemens imprévus,