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HISTOIRE DIPLOMATIQUE DE LA QUESTION D’ORIENT.

simple ou par un double remerciement. Nous avions donné la paix, on nous rendait la guerre, une guerre d’influences qui menait à la guerre des bataillons. Mais qu’importe ? N’avait-on pas chargé M. Bulwer d’exprimer à M. Thiers à quel point l’on était sensible à ses bons offices, et quel prix l’on mettait à sa coopération ? Le chargé d’affaires britannique prétend qu’il est des cas où un gouvernement n’a pas la liberté de suivre une autre voie que celle où sa politique s’engage. Cela peut être. Mais la politique de lord Palmerston ne datait pas de la veille ; un an à l’avance, il avait posé les bases d’un traité principalement dirigé contre l’influence française, et il savait apparemment, en réclamant ou en acceptant la médiation amicale de la France, qu’il ne dépendrait pas de lui de rendre procédé pour procédé. Un service que l’on accepte oblige celui qui le reçoit. Si lord Palmerston voulait suivre une politique hostile à la France, il ne fallait pas se laisser combler des bienfaits de la France, ou il fallait renoncer à cette politique si l’on consentait à se placer à notre égard dans la position d’un obligé.

Le prétexte dont lord Palmerston s’est servi dans le memorandum du 31 août, pour colorer la signature du traité de Londres, a été la part que la France aurait prise à la proposition d’un arrangement direct entre Méhémet-Ali et le sultan.

« Le gouvernement de sa majesté, dit le memorandum, a de bonnes raisons de croire que depuis quelques mois le représentant français à Constantinople a isolé la France d’une manière tranchée des quatre autres puissances, en ce qui concerne les questions auxquelles cette note se rapporte, et a pressé vivement, et à plusieurs reprises, la Porte de négocier directement avec Méhémet-Ali et de conclure un arrangement avec le pacha, non-seulement sans le concours des quatre autres puissances, mais encore sous la seule médiation de la France, et conformément aux vues particulières du gouvernement français. »

M. Thiers a fait la réponse la plus décisive à cette accusation, en donnant lecture à la tribune des dépêches qu’il écrivait dès le 17 mars, et qu’il renouvelait encore le 17 avril suivant, à M. de Pontois et à M. Cochelet.

« Vous ne devez pas même conseiller trop formellement au vice-roi un arrangement direct avec la Porte, parce qu’un pareil conseil nous placerait, à l’égard de l’Angleterre, dans un état d’antagonisme qu’il est bon d’éviter. » (Dépêche de M. Thiers à MM. de Pontois et Cochelet, 17 mars 1841.)