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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/1004

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çais. Qu’a dit notre gouvernement ? Rien. A-t-il demandé réparation ? Non. Un nouveau tarif de douanes a été mis en vigueur sur notre frontière qui exclut en quelque sorte nos marchandises du sol espagnol ; d’incroyables règlemens de navigation ont été inventés pour supprimer les rapports existans entre les ports de la Péninsule et les trois quarts de nos ports[1]. Qu’a fait la France ? Rien. A-t-elle seulement adopté quelques mesures rétorsives ? Non. Ainsi on repousse notre représentant, on proscrit notre commerce, des fonctionnaires publics nous outragent impunément ; nous ne nous plaignons même pas, et il se trouve des Français pour dire que notre gouvernement manque d’égards pour le gouvernement espagnol !

Tout cela devrait faire ouvrir les yeux, ce nous semble, aux plus prévenus. La liberté espagnole n’est pas intéressée, que nous sachions, à l’interdiction du commerce entre la France et l’Espagne. Des gens de très bonne foi demandent, pour sortir de là, que notre gouvernement fasse de nouveaux efforts pour se rapprocher d’Espartero. Nous voudrions bien qu’on nous indiquât comment il devrait s’y prendre. À moins de fermer à la reine Christine les portes de la France et de faire amende honorable pour avoir suivi les usages diplomatiques dans l’affaire des lettres de créance, on ne peut guère faire plus qu’on n’a fait. Aussi bien la France se déshonorerait par ces concessions et d’autres semblables, qu’il ne serait pas encore sûr qu’elle rentrât en grace auprès de ceux qui dirigent aujourd’hui l’Espagne. Il faut bien finir par reconnaître que l’hostilité contre la France est le principe même de l’existence de ce gouvernement. Espartero voudrait se mettre bien avec nous qu’il n’en obtiendrait que très difficilement l’autorisation de son parti. M. Olozaga a été obligé de se disculper, à son retour de France, d’avoir admis un moment la pensée d’un rapprochement ; pour faire oublier cette faute, il a dû faire cause commune avec les plus violens et subir en quelque sorte un second baptême. Et nous ne voyons rien là que de très naturel, après tout ce que les exaltés doivent aux Anglais.

Il y a quelques années, les ultrà-révolutionnaires n’avaient aucune consis-

  1. Pour donner une idée à ces mesures, il suffira de citer l’art. 15 de la nouvelle loi sur les douanes. Cet article est ainsi conçu :

    « Ne jouiront pas du bénéfice du pavillon les bâtimens (espagnols) qui viendront chargés de fruits, denrées et effets de Gibraltar, des ports situés entre les rivières de la Gironde inclusivement et de la Bidassoa, du Minho et de la Guadiana, des ports compris entre la limite d’Espagne et de France et Marseille inclusivement, et des ports appartenant à des puissances européennes sur la côte d’Afrique dans la Méditerranée. »

    Il résulte de cet article, exclusivement dirigé contre nous malgré quelques extensions insignifiantes, que le commerce est interdit de fait aux navires espagnols avec Bordeaux, Bayonne, Marseille, tous nos ports de la Méditerranée et ceux des possessions françaises dans le nord de l’Afrique. Ce parti pris de faire la guerre à son propre pavillon pour nuire à une nation voisine est peut-être sans exemple.