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HORACE.

ce que deviennent les roses, quand elles ont trempé dans le vieux vin de Falerne. L’ivresse passée, on jette la lie. Au reste, c’est lui-même qui fera l’oraison funèbre de ses amours. « Posez là, posez là mon harnais amoureux ! Je le consacre à Vénus. » Mais, Dieu merci, le poète satirique, le poète amoureux, ce n’est là qu’une partie d’Horace. Nous avons encore à étudier le sage philosophe, l’excellent professeur, le plus grand des poètes lyriques, Anacréon et Pindare tout à la fois.

Laissons là ces amours. Nous savons au reste ce que peut être l’amour d’un poète latin : nous avons appris de trop bonne heure les ardeurs galantes, souvent chantées d’une façon divine, de Tibulle, de Catulle, de Properce, de ce malheureux Ovide. Même en dépit de cette chaude poésie, nous ne pouvons guère reconnaître que cette chose divine que nous appelons l’amour ait existé chez les Romains. Cette noble passion que nous a révélée la chevalerie chrétienne se montre pour la première fois, vous savez avec quelle divination inspirée, dans le quatrième livre de l’Énéïde ; de cette passion, il ne faut presque rien chercher, sinon le bruit des baisers, dans Horace ou dans les poètes qui furent presque ses contemporains.

Gallus à peine a laissé quelques vers, s’il en a laissé. Ovide est un ardent amoureux qui ne s’occupe guère que des plus terrestres plaisirs. Tibulle et Properce rencontrent très souvent l’inspiration passionnée, cependant leur délire même est soumis à l’imitation de la poésie grecque. La naïveté manque à tout cet amour, et aussi, faut-il le dire, c’est la probité qui manque. On ne sait pas assez ce que deviennent tous ces amours, ou plutôt on le sait trop. Et quelles femmes ont-ils aimées ? et ces femmes, que sont-elles devenues ? Dans quelles mains sont-elles passées ? Mais ce n’est pas, encore une fois, ce n’est pas là la question.

Il s’agit maintenant de savoir comment notre poète, à force de succès en amour peut-être, et à coup sûr à force de succès dans la satire, finit par devenir le commensal de Mécène et presque le familier de l’empereur Auguste. Le temps, il faut le dire, appartenait, non plus aux orateurs, mais aux poètes. Avec Cicéron, la tribune aux harangues avait perdu tout à la fois le premier et le dernier des orateurs romains. Le moyen, en effet, d’être un orateur quand c’est un seul qui gouverne ? Le moyen de parler au peuple quand ce n’est plus le peuple qui est le maître ? Et que voulez-vous lui dire ? et où voulez-vous le conduire ? et de quel droit oserez-vous lui donner des conseils qui ne seront pas approuvés d’en haut ? L’éloquence est la fille de la