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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/139

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SOUVENIRS DES AÇORES.

peu élevée, dont les pierres sont rongées par le temps, et on se trouve dans Angra avant de l’avoir aperçu. Cette triste capitale est resserrée par une montagne nue, qui la force de s’étendre dans des proportions informes. Les maisons basses et les chaumières sont souvent isolées les unes des autres par des roches sans grandeur. Toute la ville a un air terne et maussade, que n’égaie pas la largeur des rues, balayées par le vent de mer, et encore moins la multitude des boutiques sombres où des brocanteurs étalent leurs sales et misérables marchandises. Ce grand nombre de boutiques tient à l’accumulation des Juifs, qui, exilés du Portugal, furent autorisés à se fixer à Terceire ; ils y exercent l’industrie habituelle de leur race et suppléent les Anglais, dont on ne rencontre qu’un seul dans toute l’île ; encore est-ce un vice-consul, marié à une Portugaise de Terceire.

On comprend que la société d’Angra ne doit pas être brillante. Au milieu de cet amas de pierres, aussi pauvre en humains qu’en végétaux, que devenir ? Que peuvent faire les officiers d’une garnison nombreuse ? On périrait d’ennui sans le voisinage hospitalier du couvent de Saint-Gonsalve ; ce monastère est l’unique ressource de société qu’offre Angra ; il est toute la distraction et la consolation peu orthodoxe des malheureux exilés à Terceire.

Aucune muraille ne défend l’accès de Saint-Gonsalve ; on peut de la terrasse qui borde la mer, causer avec les sœurs qui passent la journée assises nonchalamment à leurs fenêtres basses et non grillées. On peut entrer à toute heure dans la salle destinée à distribuer aux pauvres les aumônes du couvent ; cette pièce n’est séparée de l’intérieur que par une mince cloison en bois, dont la partie supérieure se replie comme celle des loges de nos portiers, et il ne reste qu’une petite barrière à hauteur d’appui très favorable aux épanchemens de la conversation. Enfin, que ne peut-on pas à Saint-Gonsalve ? — Mais il ne faut rien calomnier, pas même le mal ; c’est le vice de la vertu rigide et en même temps de la débauche de tout confondre et de dédaigner les sentimens du cœur. Toutes deux se plaisent trop souvent à méconnaître les combats et les souffrances. Pauvres filles de Saint-Gonsalve, si douces et si affligées, on doit les plaindre ! La langueur des démarches, la tristesse des regards, peignent les misères de leur ame, et prient d’abord pour elles. Livrées dès l’enfance à la contagion de l’exemple, le cœur ouvert aux tendres impressions, l’esprit oisif, sans autre défense que la chaîne qui les meurtrit, est-il surprenant qu’elles succombent ? Elles s’arrêtent cependant sur cette pente qu’on prétend si rapide, et, après avoir brisé le lien sacré qui