Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
REVUE DES DEUX MONDES.

en France ; on lui répond que messieurs les généraux de Paris se le réservent. Pour le comte de Fiesque, il obtient « une commission particulière pour les enlèvemens de quartier et autres exploits brusques et soudains, dont la résolution se peut prendre en chantant un air de la Barre, et dansant un pas de ballet. » Il y a là aussi un certain marquis d’Hectot, qui se fait donner le commandement de la cavalerie, « parce qu’il était mieux monté que les autres, qu’il était environ de l’âge de M. de Nemours lorsqu’il la commandait en Flandre, et qu’il avait une casaque en broderie toute pareille à la sienne. » Sur la même ligne se placent Hannerie et Caumenil, qui réclament la charge de maréchaux-de-camp, « Hanerie, fondé sur ce qu’il avait pensé être enseigne des gendarmes du roi ; Caumenil, sur ce qu’il s’en était peu fallu qu’il n’eût été mestre-de-camp du régiment de Monsieur. » Campion demande seulement à être maréchal de bataille, « pour apprendre le métier, avouant ingénuement qu’il ne le savait pas ; » Boucaule de même. « Il ne pouvait pas dire qu’il eût jamais vu d’armée, mais il alléguait qu’il avait été chasseur toute sa vie, et que, la chasse étant une image de la guerre, selon Machiavel, quarante ans de chasse valaient pour le moins vingt campagnes. Il voulut être maréchal-de-camp, et il le fut. »

Sans chercher à quitter le terrain de la critique littéraire, observons en passant, à titre de rapprochement historique, qu’hier encore les derniers rassemblemens de nos gentilshommes de l’Ouest, aussi inoffensifs, à vrai dire, que ceux de 1649, offraient presque le pendant de ce tableau si comiquement vrai. Au témoignage de quelques hommes de sens entraînés là par une de ces religions qui discutent rarement, et jamais qu’après, on ne trouvait que des généraux ; les plus modestes se faisaient officiers, toujours en raison de l’axiome de Machiavel, si ingénieusement appliqué par Boucaule. Au surplus, l’écrivain du XVIIe siècle a parfaitement saisi le côté général des ridicules qu’il avait sous les yeux, et, laissant de côté la joyeuse raillerie, il donne en terminant, avec une gravité empreinte de tristesse véritable, le dernier mot de toutes les frondes passées, présentes et futures. « Je me tiens heureux, dit-il, d’avoir acquis la haine de tous ces mouvemens-là, plus par observation que par ma propre expérience. C’est un métier pour les sots et pour les malheureux, dont les honnêtes gens et ceux qui se trouvent bien ne se doivent point mêler. Les dupes viennent là tous les jours en foule ; les proscrits, les misérables s’y rendent des deux bouts du monde : jamais tant de générosité sans honneur, jamais tant de beaux discours et si peu de