du midi, de dire sans crainte quelques mots sur notre poète : celebrare domnestica facta.
J’ouvre donc sans autre préambule le nouveau volume de Jasmin, et je trouve d’abord l’Aveugle de Castel-Cuillé (l’Abuglo de Castel-Cuille), cette touchante histoire qui a fait verser tant de larmes sur toute la ligne des Pyrénées. Si je parle de larmes versées, ne croyez pas que ce soit une métaphore, comme s’il s’agissait de quelque drame classique ou de quelque roman élégant ; non, c’est une vérité littérale et dont j’ai été souvent témoin : quand Jasmin récite devant un auditoire qui le comprend, son beau poème de l’Aveugle, il est difficile de ne pas pleurer avec lui sur les malheurs de la pauvre délaissée.
Et ces larmes, ce n’est pas seulement le peuple qui les répand, le peuple à qui appartient à la fois le poète, la langue et l’héroïne, ce sont encore les belles dames d’Agen, de Toulouse, de Bordeaux et de Pau, car Jasmin exerce sur toutes celles qui l’entendent une sorte de fascination que lui-même a très bien exprimée dans les vers suivans, en s’adressant à l’une d’elles :
T’ey bisto rire quand rizioy,
T’ey bisto ploura quand plourâbi.
Je t’ai vue rire quand je riais,
Je t’ai vue pleurer quand je pleurais.
Je voudrais bien donner ici une idée de ce poème, mais il a été déjà analysé de main de maître par M. Sainte-Beuve : je n’ai garde d’y revenir. Quand on a commencé à parler, à Paris, de Jasmin et de ses poésies, l’Aveugle avait déjà paru, mais à part. La publication d’aujourd’hui n’est qu’une réimpression. Tout ce que je puis dire, c’est que je l’ai relu avec un plaisir peut-être plus vif que dans sa nouveauté. J’ai retrouvé un charme indicible dans ces descriptions si franchement populaires et si poétiques pourtant, dans ces détails de mœurs campagnardes d’une vérité si vivante et en même temps si exquise, dans ce mélange merveilleux de folle joie et de sensibilité pénétrante, dans ce récit d’une catastrophe soudaine qui vient attrister les plaisirs bruyans d’une noce de village, dans ces vers surtout faits avec tant d’art que leur mesure même est l’expression des sentimens qui les inspirent, dans ces habiles changemens de rhythme, ces combinaisons d’harmonie empruntées par Jasmin aux