Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
318
REVUE DES DEUX MONDES.

tion égyptienne, ne servirait qu’à entretenir des luttes fâcheuses, irritantes, des luttes qu’il faut toujours déplorer, entre les hommes politiques de notre pays.

Nous avions prévu, nous avions dit qu’on s’efforcerait de faire de la question d’Orient le principal sujet de discussion dans les débats de l’adresse : nous le regrettions, nous le regrettons encore, car quand on aura dit, prouvé, répété sous toutes les formes, que la politique de la France a essuyé un échec, quel sera le profit du pays ? Que veut-on prouver ? Que les membres des trois derniers cabinets ont tous, plus ou moins, participé aux faits dont cet échec a été le résultat ? Nous aimons à rappeler, sur ce point, les nobles paroles que M. Cousin vient de prononcer à la chambre des pairs : « Ministres du 12 mai, du 1er  mars, du 29 octobre, disait-il, l’histoire, l’inexorable histoire nous jugera tous tant que nous sommes, et assignera à chacun de nous la part de blâme ou de mérite qui nous appartient dans ces grands et douloureux évènemens. Mais, au nom du ciel, quel profit, quel honneur pouvons-nous trouver à nous accuser les uns les autres d’avoir manqué à l’honneur ou aux intérêts de notre pays, en présence des ennemis de la révolution de juillet, qui triomphent de nos accusations réciproques, en face de l’étranger, qui les accueille et qui les propage avec joie ? »

Au surplus, nous ne nous dissimulons point qu’au fond de tous ces débats se cachent, non deux systèmes contraires, directement opposés, mais deux tendances diverses, deux tendances également honorables, mais également dangereuses, précisément lorsque, dans le gouvernement du pays, elles ne se tempèrent pas l’une par l’autre.

Sur la question de la paix et de la guerre, il n’y a de position simple et nette que pour ceux qui, placés dans une opinion extrême, ont un parti pris qui n’admet ni discussion, ni examen. Les hommes auxquels la paix, avec ses bienfaits, tels que le commerce, l’industrie, le crédit public, la prospérité matérielle, paraît préférable à toutes choses, même avec la honte ; les hommes qui, en présence des traités de 1815, ne conçoivent d’autre politique digne de la France, et conforme à ses intérêts, que la guerre ; ces hommes, disons-nous, sont toujours d’accord avec eux-mêmes : il n’y a jamais, dans leurs discours, dans leurs actes, d’hésitation, rien qui ressemble à une contradiction.

Mais, empressons-nous de le dire, aucun des hommes que la confiance du roi a appelés aux affaires n’appartient ni à l’une ni à l’autre de ces deux opinions. Tous veulent le respect des traités ; tous veulent la paix, ils la veulent tous franchement, sincèrement, tant qu’elle demeure compatible avec les intérêts et la dignité du pays ; tous, nous en sommes également convaincus, entreraient, à regret sans doute, mais avec résolution et courage, dans les voies de la guerre, le jour où cette grande détermination leur serait commandée par l’honneur ou par la sûreté de la France.