capitaine causent ensemble sur le même pied, les gens pauvres n’ont pas à supporter les mêmes humiliations que chez nous, et la classe ouvrière ne peut éprouver les irritations d’amour-propre qu’excitent parmi nos travailleurs le luxe et le ton dédaigneux de la bourgeoisie et de l’aristocratie. En Turquie, les valets ne sont que ce qu’étaient les pages de notre féodalité, des enfans que des familles d’un rang égal se confient entre elles ; de cette domesticité on peut s’élever aux plus hautes positions. Quant aux esclaves des musulmans, ils ont aussi de très grandes facilités pour sortir de leur état, qu’on ne peut nullement comparer à celui des nègres de nos colonies.
Les Gréco-Slaves, beaucoup plus rapprochés de la nature qu’aucune autre race européenne, ont par là même conservé dans leurs mœurs de nombreuses traces de la vie antique, beaucoup de poésie primitive, comme aussi beaucoup de superstitions. Chez eux, les nymphes et déités locales du rocher, de la source, de la montagne, de la ville ou du foyer, n’ont pas cessé d’être vénérées sous le nom d’anges et de génies. Le génie (sticheion) se manifeste de diverses manières dans les lieux qu’il protége ; tantôt il apparaît sous la forme d’un serpent ; tantôt un souffle aérien, une lumière nocturne, révèlent sa présence. Les sorcières thessaliennes font descendre la lune des cieux, et l’astre transformé en génisse leur donne un lait qu’elles emploient dans les opérations magiques. La foi dans les talismans est universelle. Chrétiens et Turcs, dans leurs maladies, avalent des papiers enchantés, ou boivent de l’eau que les sorciers ont bénie en y plongeant deux cailloux sacrés, emblèmes de deux génies, mâle et femelle. Les Slaves portent souvent dans leurs poches du poivre rouge ou de la corne de chamois pour se préserver du mauvais œil. De là la défense faite par les Turcs aux ghiaours de regarder leurs étendards.
Dans ce théocratique Orient, où la religion est restée la base des mœurs, toutes les fêtes nationales sont des fêtes religieuses. Les Gréco-Slaves ont dans l’année deux grands jours, celui de Pâques et celui de Noël ou de l’Épiphanie, nommés, l’un fête des Lumières, l’autre fête du Jourdain ou de la Bénédiction des eaux. La veille de Noël, chaque famille se procure un pain sans levain, dit tchesnitsa, et fait rôtir un cochon tout entier ou quelque autre animal ; on appelle ces mets pesivo, petchenitsa (le rôti par excellence). La nuit se passe