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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/541

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LA PHILOSOPHIE DANS SES RAPPORTS AVEC LA SOCIÉTÉ.

est un drame qui doit intéresser, émouvoir, passionner, lors même qu’il n’a pas d’autres personnages que des chœurs.

Osons le dire à la France, elle n’est pas assez fière de ce qu’elle a fait, et comme elle ne s’estime pas tout ce qu’elle vaut, elle ne mesure pas tout ce qu’elle peut. Pour nous, cette époque est belle ; aucun autre moment de notre histoire ne nous ferait envie, si la France, en jugeant comme nous, connaissait mieux ses droits à la gloire.

N’attendez donc point de nous de déclamations pusillanimes, de plaintifs gémissemens contre la politique et même contre les passions qu’elle nourrit. Ces passions, quelque pervers que soient les cœurs qu’elles dévorent, à quelque funeste école qu’elles aient pris leçon, conservent jusque dans leurs écarts je ne sais quel élément de désintéressement, je ne sais quelle trace d’indépendance et de dévouement, qui n’empêche pas d’être odieux, mais qui sauve d’être vil. Sous leur empire, la nature humaine peut s’endurcir, se dépraver ; il est rare qu’elle s’abaisse. Sa dignité périt dans les calculs ignobles du courtisan, du satellite, du publicain : elle subsiste encore dans le séditieux ; elle réchappe des fureurs des partis, et quelques-uns de ses caractères se retrouvent jusque sur le front cynique du sectaire qui se relève de ses vices par son audace. L’esprit de faction, même avec ses iniquités et ses perfidies, ne l’anéantit pas. Quels que soient les mobiles qui poussent à des opinions dangereuses, c’est agir en homme que d’avoir une opinion, et lorsqu’une opinion n’a point pour but unique la satisfaction d’un intérêt sordide et isolé, c’est agir en homme que de la défendre. La prétention seule de penser au bien du pays mérite une sorte d’estime, et, tout en détestant les factions, il est impossible de ne pas voir, dans le fumier fangeux et sanglant où elles s’agitent, briller par fragmens deux des plus précieuses pierres du diadème de l’humanité, la fidélité et le courage.

Mais si je vais jusque-là que de reconnaître quelques nobles traits non encore effacés sur la face des mauvaises factions, si je consens à déclarer que la politique atténue l’odieux des passions et des crimes qu’elle fait naître, ai-je besoin de dire quelle sympathie et quel respect doivent inspirer les simples partis, même avec leurs principes extrêmes et leurs ambitions ardentes ? S’unir dans un intérêt public, s’entendre dans une pensée générale, concerter et subordonner entre soi des vues diverses, des penchans personnels, devenir solitaires dans une entreprise qui doit profiter même à ceux qui n’y participent pas, faire au succès commun le sacrifice de son repos, parfois de sa sûreté, parfois de son propre succès, avoir une cause enfin,