Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/581

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
571
ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

lerie, sous le maréchal de Matignon, gouverneur de la province, les chaleurs, les fatigues de la guerre, et outre cela quelques blessures qui n’avoient pas été bien pansées, l’enlevèrent à la fleur de son âge, au mois de juillet (1590), âgé de quarante-six ans. » C’était mourir plus jeune que Thomas, et environ à l’âge de Schiller. Il avait eu le temps du moins, homme de cœur, de voir les premiers succès d’Henri IV, roi de France, et de célébrer la victoire d’Ivry, remportée en mars ; il en a laissé un Cantique qui est son chant de cygne. La description qu’il donne de la bataille offre assez de détails précis pour compter et faire foi parmi les récits historiques. Un des continuateurs de Jean de Müller, M. Vulliemin, en son Histoire de la Confédération suisse, s’appuie de l’autorité de Du Bartas pour établir la belle conduite des régimens helvétiques dans le combat. Palma Cayet le cite également pour assigner à Henri IV et à son armée leur vraie couleur :

.......Bravache, il ne se pare
D’un clinquant enrichi de mainte perle rare ;
Il s’arme tout à cru, et le fer seulement
De sa forte valeur est le riche ornement.
Son berceau fut de fer ; sous le fer il cotonne
Son menton généreux ; sous le fer il grisonne,
Et par le fer tranchant il reconqueste encor
Les sceptres, les bandeaux, et les perles et l’or[1].

  1. Petitot, dans son édition de Palma Cayet, rappelle à ce sujet les beaux vers où Voltaire, décrivant la bataille de Contras, semble s’être inspiré de ces souvenirs du chantre d’Ivry :

    ...............
    Accoutumés au sang et couverts de blessures,
    Leur fer et leurs mousquets composaient leurs parures,
    Comme eux vêtu sans pompe, armé de fer comme eux,
    Je conduisais aux coups leurs escadrons poudreux…

    Mais l’usage redoublé que Du Bartas fait du mot fer oblige surtout de se souvenir de ce passage de la chronique de Saint-Gall, qu’il n’avait certainement pas lue. C’est au moment où Charlemagne et son armée débouchent sous les murs de Pavie : « … L’empereur s’approchant un peu davantage, le jour devint plus noir que la nuit. Alors parut Charlemagne lui-même, tout de fer, avec un casque de fer et des bracelets de fer. Une cuirasse de fer protégeait sa poitrine de fer et ses épaules ; sa main gauche tenait une lance de fer… Son visage intrépide jetait l’éclat du fer… » (Voir tout le passage traduit dans l’Histoire littéraire de M. Ampère, tome III, livre III, chap. VIII.) Les mêmes situations ont produit les mêmes images : rien ne se ressemble comme les batailles.