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liques des dissensions qu’on croyait à peu près assoupies, et qui aujourd’hui paraissent de nature à exercer une influence considérable tant sur les destinées de la monarchie prussienne que sur celles de l’Allemagne tout entière. On sait comment le traité de Lunéville et plus tard celui de Vienne changèrent la position respective des catholiques et des protestans, telle qu’elle avait été établie par le traité de Westphalie, et comment la sécularisation des principautés ecclésiastiques donna aux protestans une immense majorité dans la diète germanique, quoiqu’ils fussent en minorité dans la nation. Les rédacteurs des traités de 1815, oubliant que les discordes religieuses avaient été la grande cause de l’affaiblissement de l’ancien empire germanique, ou jugeant le siècle trop éclairé pour qu’elles pussent désormais se reproduire, adjugèrent à des souverains protestans de nombreuses populations catholiques sans stipuler en faveur de celles-ci aucune garantie sérieuse, et crurent avoir assez fait en écrivant dans le pacte fédéral que les membres des différentes confessions chrétiennes auraient les mêmes droits civils et politiques. La Prusse fut particulièrement favorisée dans la distribution qui fut faite des territoires vacans : elle eut pour sa part notamment les provinces rhénanes et la Westphalie, ce qui augmenta dans une telle proportion le nombre de ses sujets catholiques, qu’ils se trouvèrent former les cinq douzièmes de la population totale de la monarchie. On ne s’inquiéta pas de l’inconvénient qu’il y avait à la diviser presque également entre deux confessions si long-temps ennemies, non plus que des collisions qui pourraient résulter quelque jour d’un semblable arrangement. On ne pensait à cette époque qu’à fortifier l’Allemagne contre la France, et on jugea qu’il fallait confier la garde des frontières occidentales du territoire germanique à une puissance assez forte par elle-même pour résister aux idées et aux armes françaises, aussi bien que pour surveiller et maintenir les petits états du midi de l’Allemagne, autrefois si accessibles à notre influence. Cette combinaison n’était bonne qu’à condition que la Prusse saurait se concilier l’affection de ses nouveaux sujets, mais on n’élevait aucun doute à cet égard. Le roi Frédéric-Guillaume III était très populaire en Allemagne par suite du rôle qu’il avait joué dans la guerre de l’indépendance ; on se reposait entièrement sur sa sagesse et sur l’habileté fort vantée de ses conseillers. D’ailleurs, l’enthousiasme patriotique de cette époque ne permettait pas de supposer que des populations allemandes qu’on arrachait au joug étranger pour les faire passer sous un sceptre allemand, pussent