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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/675

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LETTRES DE CHINE.

la culture des autres branches de la richesse publique négligée, les lois tombant en désuétude et méprisées.

« L’influence pernicieuse et envahissante de l’opium, considérée comme préjudiciable à la propriété, est d’une importance secondaire ; mais, quand on considère le mal qu’elle fait au peuple, elle demande notre plus sérieuse attention, car le peuple est la base de l’empire. La propriété est, il est vrai, la source de la subsistance du peuple, mais les pertes qu’elle éprouve peuvent être réparées ; la situation d’un peuple appauvri peut devenir meilleure, tandis qu’il est au-dessus du pouvoir de l’homme de sauver, en recourant à des moyens artificiels, un peuple énervé par le luxe et la débauche.

« On veut qu’en abrogeant les dispositions qui prohibent l’opium, le peuple seulement ait la permission de vendre, d’acheter et de fumer cette drogue, et que cette faculté ne soit donnée à aucun des officiers lettrés ou militaires. Cela me rappelle le proverbe populaire : Bouche les oreilles d’une vieille femme avant de voler ses boucles d’oreilles. C’est une absurdité. Les officiers du gouvernement, en réunissant tous les employés militaires et civils, forment à peine un dixième de la population de l’empire : les neuf autres dixièmes sont le peuple. La grande majorité de ceux qui aujourd’hui fument l’opium, sont des parens et des gens dépendans des officiers du gouvernement, dont l’exemple a été suivi par la classe mercantile ; le vice a souillé successivement les officiers inférieurs, les militaires et les lettrés. Ceux qui ne fument pas l’opium sont la masse du peuple, qui habite les villages et les hameaux. Si donc on défend seulement aux officiers du gouvernement de fumer l’opium, tandis qu’on le permettra au peuple, ce sera autoriser le vice chez ceux qui en sont souillés, et encourager ceux qui en sont restés purs jusqu’à présent à acquérir cette infâme habitude ; et, si on craint que les prohibitions soient actuellement insuffisantes pour arrêter les fumeurs d’opium, peut-on espérer qu’ils s’abstiendront lorsque le gouvernement lui-même les autorisera dans leur débauche ?

« En outre, si on laisse au peuple la liberté de fumer l’opium, comment empêchera-t-on les lettrés et les militaires de le fumer aussi ? Eh quoi ! parmi les officiers militaires ou lettrés, en est-il un seul qui soit né dans ces rangs ? Naît-on soldat ou lettré ? Tous sont choisis dans la classe du peuple. Je citerai un exemple : Qu’une vacance ait lieu dans un corps de soldats, il faudra nécessairement la remplir par des recrues prises parmi le peuple, et si, quand ces hommes faisaient partie du peuple, ils étaient fumeurs d’opium, quelle loi sera assez forte pour leur en faire perdre l’habitude, une fois devenus soldats, lorsque cette habitude sera pour eux une seconde nature ? »

Choo-tsun termine en disant que le seul remède aux maux existans est la stricte et sévère application des lois, qu’il considère comme suffisantes si elles sont observées.

Un autre conseil de la couronne, Heu Kew, sous-conseiller au département de la guerre, recommande de même, au lieu d’abroger les lois existantes, de leur donner une nouvelle vigueur, en obligeant les autorités qui