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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/679

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LETTRES DE CHINE.

commerce étranger. « Ne vous embarrassez pas, dit-il, de l’opinion qui existe dans la terre centrale ; gardez avec soin toutes les entrées, toutes les passes, et, après un court espace de temps, ceux qui font cet abominable commerce, sachant qu’ils ne pourront plus recevoir d’opium, chercheront une autre manière plus honorable de gagner leur vie, et les malheureux qui ont contracté la funeste habitude de fumer l’opium n’auront bientôt plus d’alimens pour ce détestable vice. Vouloir l’extirper par la violence, ce serait vouloir inonder de sang tout l’empire, et soulever, dans certaines provinces, des mécontens qui, s’unissant aux étrangers, pourraient compromettre la sécurité du céleste empire. »

Vous le voyez, l’Angleterre n’a pas manqué d’avertissemens. Je vous ai fait connaître, au risque de fatiguer votre attention, tous ces documens émanés des autorités chinoises, parce qu’ils révèlent, ce me semble, mieux que tout ce que je pourrais vous dire, comment la question de l’opium est entendue en Chine. Ils démontrent, d’ailleurs, que le gouvernement chinois n’est pas un gouvernement aussi despotique, aussi arbitraire qu’on veut bien le dire. Il n’y a pas, il est vrai, à Pékin une chambre des pairs et une chambre des députés pour contrôler les actes du gouvernement ; mais l’empereur ne peut prendre aucune décision sur une question importante sans demander préalablement l’avis des conseillers de la couronne. D’un autre côté, les avertissemens ne manquèrent pas aux Anglais de la part du surintendant Elliot. Le 18 décembre 1838, dans une circulaire adressée aux négocians anglais, il ordonne que toutes les goëlettes-cutters et autres bâtimens occupés au commerce d’opium, dans la rivière de Canton, aient à en sortir dans l’espace de trois jours ; il les prévient que le cabinet de sa majesté britannique n’interviendra pas si le gouvernement chinois juge à propos de les saisir et de les confisquer, et il leur déclare que la résistance aux autorités chinoises dans l’accomplissement de leurs devoirs, et tout meurtre ou délit qui en serait la conséquence, seraient punis comme s’ils avaient été commis dans la juridiction de la cour de Westminster.

Le 23 du même mois, dans une dépêche adressée au gouverneur de Canton par M. Elliot, celui-ci dégage l’Angleterre de toute responsabilité pour le commerce d’opium. Il le condamne en termes formels, il donne connaissance au gouverneur Choo de sa circulaire du 18 décembre. Cette dépêche se termine ainsi :

« Le soussigné est persuadé que la continuation de ce trafic dans les eaux intérieures entraînera pour toute la communauté étrangère de Canton de désastreuses difficultés, et son auguste souveraine n’interviendrait pas pour protéger les propriétés des sujets anglais qui continueraient à se livrer à ce commerce désordonné, après que l’avis officiel de votre excellence leur aura été authentiquement notifié par l’organe des officiers de leur nation. »

Le 26 décembre, le gouverneur fit répondre à M. Elliot, par le kwang-choo-foo ou préfet de Canton, qu’il accédait à sa demande, et il donna des ordres en conséquence à ses subordonnés. Il s’étonnait seulement que le ca-