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REVUE. — CHRONIQUE.

l’expression sincère d’une majorité ministérielle. Il fallait en déduire les membres du centre gauche qui n’adhèrent au cabinet qu’avec des réserves et en vertu d’une alliance qui n’a pas été l’objet d’une stipulation solennelle et irrévocable. Il fallait en déduire ceux qui se tenaient pour satisfaits au moyen de l’amendement relatif au droit de visite, et qui, sans cet amendement, auraient déposé dans l’urne une boule noire. Enfin il fallait en déduire ceux qui n’ont voté l’adresse qu’afin de ne pas se séparer de la majorité dans ses énergiques protestations contre les émeutes sanglantes de l’an dernier. En soulevant la question du recensement, on avait accru de vingt voix peut-être la majorité ministérielle dans le vote de l’adresse.

Toujours est-il qu’après ces réductions, le ministère paraissait encore pouvoir espérer une majorité de 25 à 30 voix ; c’est la différence entre 8 et 30 que le ministère a perdue ; c’est là ce qui a rendu la journée mauvaise pour lui. Comment ces 20 voix se sont-elles retirées des rangs ministériels ? Est-ce une défection ? est-ce seulement l’effet d’un engagement sur la question particulière ? Si l’engagement existe, s’étend-il à l’adjonction des capacités ? Il serait facile de multiplier les questions. En réalité, le problème est fort compliqué. Mais à quoi bon l’approfondir, à quoi bon chercher à le résoudre par la voie conjecturale ? Au moment où ces lignes tomberont sous les yeux du lecteur, la question aura été résolue par la chambre. L’urne du scrutin nous dira si le vote sur les incompatibilités a été un succès momentané dû à la parole si spirituelle et si habile de M. de Rémusat ou bien la victoire décisive d’un parti, si c’était un accident parlementaire ou bien la preuve que la majorité n’accepte pas dans toute leur rigidité les doctrines des conservateurs. À ce point de vue, le vote de la chambre est de la plus haute importance. Le pays a le droit de s’attendre à un débat vivement soutenu, à une discussion approfondie. Le devoir commande impérieusement à tous les hommes considérables de la chambre de dire à la France toute leur pensée. La question est posée en termes simples et clairs. Il s’agit d’opter entre la politique purement conservatrice et la politique de sages réformes et de prudentes améliorations. La question des incompatibilités ne touchait pas aux principes déjà acceptés, n’altérait pas le système établi. Il est aujourd’hui des incompatibilités absolues et des incompatibilités relatives. La proposition n’avait pas pour objet d’introduire dans la loi électorale un principe nouveau ; on demandait seulement une application plus large d’un principe déjà admis. Il en serait de même pour la question qui s’agite en ce moment, si on avait proposé d’admettre les capacités au moyen d’un cens électoral de cent francs seulement. Ce serait appliquer à d’autres classes de capables ce qui se fait aujourd’hui pour les membres de l’Institut et pour quelques officiers de notre armée. Tel n’est pas le sens de la proposition. On demande l’adjonction pure et simple de la seconde liste du jury. La question se trouve ainsi nettement posée entre deux principes divers. Aujourd’hui on peut dire que le cens n’est pas seulement exigé comme présomption d’aptitude intellectuelle, mais comme signe de propriété et comme indice d’intérêts conser-