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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/905

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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

Mais rien n’explique mieux le degré de familiarité et l’insinuation intime de Desportes que deux élégies sur lesquelles Du Radier a fixé son attention, et dont nous lui devons la clé. L’Aventure première a pour sujet le premier rendez-vous heureux d’Eurylas (Henri III, encore duc d’Anjou) avec la belle Olympe (la princesse de Condé). Olympe était d’abord toute cruelle et rigoureuse, ignorant les effets de l’amour, et son amie la jeune Fleur-de-Lys (Marguerite de Valois) l’en reprenait et lui disait d’une voix flatteuse :

Que faites-vous, mon cœur ? quelle erreur vous transporte
De fermer aux Amours de vos pensers la porte ?
Quel plaisir aurez-vous vivant toujours ainsi ?
Amour rend de nos jours le malheur adouci ;
Il nous élève au ciel, il chasse nos tristesses,
Et, au lieu de servir, nous fait être maîtresses.
L’air, la terre et les eaux révèrent son pouvoir ;
Il sait, comme il lui plaît, les étoiles mouvoir ;
Tout le reconnaît Dieu. Que pensez-vous donc faire
D’irriter contre vous un si fort adversaire ?
Par lui votre jeunesse en honneur fleurira ;
Sans lui cette beauté rien ne vous servira,
Non plus que le trésor qu’un usurier enserre,
Ou qu’un beau diamant caché dessous la terre.
On ne doit sans Amour une Dame estimer ;
Car nous naissons ici seulement pour aimer !

À ces doux propos, pareils à ceux d’Anna à sa sœur Didon, la sévère Olympe résiste encore ; mais son heure a sonné ; elle a vu le bel et indifférent Eurylas ; leurs yeux se rencontrent,

.......Et, sans savoir comment,
Leurs deux cœurs sont navrés par un trait seulement.

Le mari jaloux s’en mêle et enferme Olympe : l’imprudent ! rien ne mûrit une ardeur amoureuse comme de se sentir sous les verroux. Olympe ne pense plus à autre chose qu’à en sortir et qu’à oser. Le sommeil et Vénus en songe lui viennent en aide. Au fond du vieux palais (de Fontainebleau peut-être) est un lieu propice, un sanctuaire réservé aux amans fortunés : Vénus le lui indique dans le songe, en y joignant l’heure de midi et tous les renseignemens désirables :

Vénus, ce lui sembloit, à ces mots l’a baisée,
Laissant d’un chaud désir sa poitrine embrasée,