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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/913

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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

tonnait à Rouen et préparait son indépendance, ce capitaine, très prudent et avisé à travers ses fougues, négociait secrètement avec le cardinal de Bourbon, qui présidait alors le Conseil du roi, tantôt à Chartres, tantôt à Mantes, « et ce par le moyen de Des Portes, et qu’en furent les paroles si avant qu’il fût parlé au dit conseil de donner main levée des abbayes et bénéfices dudit sieur Des Portes occupés par les royaux. » L’affaire rompit par le refus des détenteurs, et le poète-diplomate se vengea, montrant bientôt ce que peut un homme de conseil, quand il rencontre un homme d’exécution[1].

Mais Sully, en ses Économies royales, est celui qui nous en apprend le plus sur la situation et l’importance du conseiller de Villars. Après des pourparlers préliminaires et des tentatives avortées qui avaient eu lieu durant le siége même de Rouen, le principal serviteur d’Henri IV y revient en titre, muni de pleins pouvoirs pour traiter (1594). Les affaires de la Ligue allaient fort mal ; Paris était à la veille de se rendre à son roi ; mais Rouen tenait bon, et c’était un embarras considérable. Sully, à peine arrivé dans la ville rebelle, y trouve La Font, son ancien maître d’hôtel, et qui l’était de M. de Villars ; ce La Font servait d’entremetteur secondaire. Dès le premier moment, Sully envoie Du Perat, un de ses officiers, visiter de sa part M. de Villars, Mme de Simiers et M. de Tiron, les trois grands personnages. Qu’était-ce que Mme de Simiers ? Demandez à Tallemant : Mme de Simiers (Mlle de Vitry), ancienne fille d’honneur de Catherine de Médicis, avait passé comme maîtresse de Desportes à Villars, et dans ce moment elle s’arrangeait comme elle l’entendait entre tous deux[2]. M. de Tiron et elle font aussitôt répondre à Sully, qui leur demandait comment il avait à se conduire, de se reposer ce jour-là, et que le lendemain matin ils lui feraient savoir de leurs nouvelles. Mais M. de Tiron ne s’en tient pas là, et, dès que la nuit est venue, il arrive en personne ; c’est ici que toute sa diplomatie se déploie.

Après les complimens ordinaires et extraordinaires, il commence

  1. Et notez comme Desportes sait bien choisir ceux à qui il s’attache : d’abord, c’était Joyeuse, le plus politique des favoris, et qui tendait même à se substituer à Guise en tête de la Ligue ; aujourd’hui, c’est Villars, le plus valeureux et le plus capable du parti.
  2. « Mme de Simiers priait souvent Desportes de lui rimer des élégies qu’elle avoit faites en prose : elle appeloit cela envoyer ses pensées au rimeur. » (Costar, suite de la Défense de M. de Voiture.) — Le poète La Roque, en ses Mélanges, adresse un sonnet à Mme de Simiers, non loin d’un autre sonnet à Desportes ; il parle du bel-esprit de cette dame : Votre beauté des Muses le séjour. Elle avait dû être de l’Académie d’Henri III.