Je ne crains pas pour moi, j’ouvrirois une armée,
Pour entrer au séjour qui recèle mon bien,
n’appartient qu’à lui, aussi bien que ce délicieux vers :
Cette jolie chanson de Desportes rappelle aussi une invocation antique attribuée à Bion, et qu’un amoureux adresse à l’étoile du soir, à Vesper. Je m’étais donné le plaisir de la traduire, lorsque je me suis aperçu qu’elle était traduite déjà ou imitée par nos vieux poètes, par Ronsard, au ive livre de ses Odes, et surtout par le bon Baïf en ses Amours. Voici la charmante version de celui-ci, je n’y ai changé qu’un petit mot :
De l’aimable Cypris ô lumière dorée !
Hesper, de la nuit noire ô la gloire sacrée,
Qui excelles d’autant sur les astres des cieux
Que moindre que la lune est ton feu radieux,
Je te salue, Ami. Conduis-moi par la brune
Droit où sont mes amours, au défaut de la lune
Qui cache sa clarté. Je ne vas dérober,
Ni pour d’un pélerin le voyage troubler ;
Mais je suis amoureux ! Vraiment c’est chose belle
Aider au doux désir d’un amoureux fidèle.
Oserai-je ajouter à côté ma propre imitation comme variante ?
Chère Étoile du soir, belle lumière d’or
De l’aimable Aphrodite, ornement et trésor
Du noir manteau des nuits, et qui, dans ses longs voiles,
Luis moins que le croissant et plus que les étoiles,
Ô cher Astre, salut ! Et comme, de ce pas,
Je vais chanter ma plainte au balcon de là-bas,
Prête-moi ton rayon ; car la lune nouvelle
S’est trop vite couchée. Ah ! lorsque je t’appelle,
Ce n’est pas en larron, pour guetter méchamment ;
Mais j’aime, et c’est honneur d’être en aide à l’amant !
Et dans des vers à cette même étoile, un poète moderne, M. Alfred de Musset, a dit, comme s’il eût mêlé au pur ressouvenir de Bion un sentiment ému de Byron :
Pâle Étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d’azur, au sein du firmament,