Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/927

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
917
L’ART MODERNE EN ALLEMAGNE.

brisé qu’au moment du triomphe définitif de la renaissance italienne, cette réaction de l’art antique contre la décadence qui prévalait depuis si long-temps, réaction dont les Siennois et les Pisans donnèrent les premiers le signal.

À l’appui de cette théorie de l’art byzantin, nous pourrions au besoin citer une foule d’exemples que les monumens nous fourniraient ; mais toutes preuves de ce genre nous paraissent superflues. Elles ne convaincraient pas ces esprits enthousiastes qui préfèrent la bizarrerie à la vérité, que le curieux séduit à l’égal du beau, et qui, par horreur de la réalité, qu’ils proclament matérielle et basse, se perdent dans les régions d’un vague mysticisme et d’un symbolisme puéril.

Les écoles allemandes qui dominent aujourd’hui ne se proposent sans doute pas de rétablir ce moule uniforme et absolu. La foule elle-même, si facile à se prendre d’enthousiasme pour tout ce qui est bizarre et nouveau, rejetterait avec dégoût ces grossiers simulacres, que pouvait seule accepter une civilisation étouffée sous le suaire du mysticisme. C’est plutôt l’esprit que la lettre que les chefs voudraient remettre en honneur. Cet esprit, ils le cherchent dans les premiers monumens de l’art italien si visiblement empreints du sentiment byzantin, comme dans les monumens grecs eux-mêmes. Ils recommandent à leurs élèves l’étude des vieux maîtres ultramontains qu’ils regardent comme le complément de celle des maîtres byzantins ; ils ont là-dessus de ces théories absolues et de ces bizarres prédilections qui étonnent tant ceux qui ne connaissent pas les singulières fantaisies de l’esprit allemand[1].

On montre au musée de Bologne une tête de madone que l’on attribue à saint Luc. Si l’on en croyait la tradition, ce saint l’aurait peinte vers l’an 50 de notre ère. Cette tête, évidemment byzantine, a servi de modèle aux innombrables images de Vierge qui, du Ve au XIVe siècle, décorèrent les autels et les absides des temples. Détrônée vers le XVe siècle par les madones de Pérugin et du Raphaël, cette Vierge est redevenue de nos jours un des types favoris des

  1. Voir les ouvrages de MM. Dursch, Charles Meyer et Munter, dont nous avons cité les titres au commencement de cet article, ceux de MM. Puttman, Rumorh, Boisserée et de tant d’autres. Nous n’avons pu entrer dans l’analyse de ces écrits ; la matière, assez peu saisissable de sa nature, se prêtait difficilement à un travail de ce genre : nous avons dû nous contenter de combattre le résumé des doctrines de ces écrivains.