tiennent pas seulement à notre époque, mais à toutes les époques avancées. Nous pourrions signaler des exemples de tentatives analogues chez les Grecs et chez les Romains ; mais eux, du moins, étaient de bonne foi dans l’imitation, ils s’avouaient franchement faiseurs de pastiches. Les antiques chefs-d’œuvre de la statuaire, de la céramique ou de la peinture ayant une haute valeur, ils les imitaient le mieux qu’ils pouvaient, non par amour de cet art suranné, mais par spéculation.
Outre cette tendance à l’imitation, naturelle aux écoles des époques érudites, un autre écueil s’est offert aux peintres de l’Allemagne moderne, contre lequel leur talent a échoué : l’abus de la pensée. C’est par là surtout que pèchent les écrivains, les philosophes et les poètes d’au-delà du Rhin, et les peintres ont failli comme eux. « À peine les artistes allemands ont-ils une impression, qu’ils en tirent une foule d’idées, a dit quelque part Mme de Staël ; ils vantent beaucoup le mystère, mais c’est pour le révéler, et l’on ne peut montrer aucun genre d’originalité en Allemagne sans que chacun vous explique comment cette originalité vous est venue. C’est un grand inconvénient, surtout pour les arts, où tout est sensation ; ils sont analysés avant d’être sentis, et l’on a beau dire après qu’il faut renoncer à l’analyse, l’on a goûté du fruit de l’arbre de la science, et l’innocence du talent est perdue[1]. » De nos jours cela est peut-être encore plus vrai que du temps de Mme de Staël, cette innocence est plus complètement perdue que jamais, et cela est d’autant plus sensible que les gens de talent se croient obligés de l’affecter. Ils ressemblent à ces actrices sur le retour qui jouent les ingénues ; les grimaces et le rouge paraissent toujours.
Il en est d’autres que l’abus de la pensée conduit à la recherche continue des symboles, et par suite à l’exagération et à l’obscurité. Qu’arrive-t-il même à la suite de leurs combinaisons les plus savantes ? C’est que les plus éminens d’entre eux, MM. Owerbeck, Hess et tant d’autres sont quelquefois obligés d’écrire un livre pour faire comprendre le tableau qu’ils viennent d’achever. Naguère encore M. Owerbeck s’est trouvé dans ce cas. Sans le secours de la brochure qu’il a publiée, sa grande fresque du Triomphe de la religion dans les arts, la plus capitale de ses compositions, serait demeurée une sorte d’énigme dont le public aurait eu peine à trouver le premier mot.
- ↑ De l’Allemagne, seconde partie, chap. XXXI.