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dans des flots de lumière, où il n’aperçoit rien, mais où il est pénétré de joie et de clarté.

Et que suis-je…, qu’un atome dans un rayon ?

Je rends grace au ciel de ce qu’il a fait de mon esprit une chose légère, et qui est propre à s’élever en haut.

J’aime, comme l’alouette, à me promener loin et au-dessus de mon nid.

Oh ! qu’il est difficile d’être à la fois ingénieux et sensé ! J’ai été privé long-temps des idées qui convenaient à mon esprit, ou du langage qui convenait à ces idées.

Long-temps j’ai supporté les tourmens d’une fécondité qui ne peut pas se faire jour.

Je n’aime la philosophie, et surtout la métaphysique, ni quadrupède ni bipède ; je la veux ailée et chantante.

Vous allez à la vérité par la poésie, et j’arrive à la poésie par la vérité.

On peut avoir du tact de bonne heure et du goût fort tard ; c’est ce qui m’est arrivé.

J’aime peu de tableaux, peu d’opéras, peu de statues, peu de poèmes, et cependant j’aime beaucoup les arts.

Ah ! si je pouvais m’exprimer par la musique, par la danse, par la peinture, comme je m’exprime par la parole, combien j’aurais d’idées que je n’ai pas, et combien de sentimens qui me seront toujours inconnus !

Tout ce qui me paraît faux n’existe pas pour moi. C’est pour mon esprit du néant qui ne lui offre aucune prise. Aussi ne saurais-je le combattre ni le réfuter, si ce n’est en l’assimilant à quelque chose d’existant, et en raisonnant par quelque voie de comparaison.

Les clartés ordinaires ne me suffisent plus, quand le sens des mots n’est pas aussi clair que leur son, c’est-à-dire quand ils n’offrent pas à ma pensée des objets aussi transparens par eux-mêmes que les termes qui les dénomment.

J’ai fort étroite cette partie de la tête destinée à recevoir les choses qui ne sont pas claires.

Pourquoi me fatigué-je tant à parler ? C’est que, lorsque je parle, une partie de mes fibres se met en exercice, tandis que l’autre demeure dans l’affaissement ; celle qui agit supporte seule le poids de l’action, dont elle est bientôt accablée ; il y a, en même temps, distribution inégale de forces et inégale distribution d’activité. De là,