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également d’être distinguées : dans cette dernière, les eaux sont étudiées et rendues avec un grand sentiment de vérité ; la barque balance bien, l’effet général est pittoresque. Il y a aussi quelques marines à l’aquarelle. Celles de MM. J. et Will. Callow ont tout le prestige des procédés artificiels qu’exploitent si adroitement les mains anglaises. Il y a pourtant du talent réel. Celles de M. Héroult offrent aussi quelques traces de ces méthodes, destinées à produire une illusion de première vue ; mais il n’en a pas besoin. Parmi ses six dessins, nous avons remarqué particulièrement la Mer agitée et le Clair de lune. Nous ne croyons pas qu’avec l’aquarelle on puisse obtenir des effets plus vigoureux et une imitation plus vraie.

Passons aux portraits. On les compte par centaines, comme de coutume. Nous eûmes occasion de remarquer déjà l’an dernier, à pareille époque, que ce genre, considéré comme spécialité, était nécessairement dévolu, sauf quelques très rares exceptions, aux talens médiocres, et que sa culture exclusive avait, en outre, pour effet inévitable d’engendrer chez les artistes les mieux doués d’ailleurs des habitudes mécaniques de métier et de pure routine. Nous donnâmes en même temps les raisons de ce double fait. Nous ne rappelons cette opinion que pour justifier la brièveté de nos remarques sur les portraits exposés cette année. Quel intérêt peut inspirer, en effet, une cinquantième ou soixantième édition d’un portrait Dubuff, par exemple, d’un portrait Mirbel, d’un portrait Rouget, Rouillard, ou de tel autre praticien en ce genre ? Lorsqu’un nouveau venu se présente, il y a un mouvement de curiosité ; on admire, on censure, on discute cette nouvelle manière ; on y revient l’année d’après, mais plus froidement. Après la quatrième ou cinquième expérience, on n’en veut plus et on a raison. Les plus habiles ne peuvent échapper à cette déconvenue. Pour en citer un parmi les plus distingués, M. Amaury Duval n’en est-il déjà pas arrivé là ? Son dessin précis, son modelé minutieux, son style réservé, ou, si l’on veut, sévère, plurent beaucoup à ses débuts. L’engouement baissa l’année d’après ; et, aujourd’hui, qu’est-ce qu’on en pense ? N’est-il pas évident qu’il subit le sort de ses confrères portraitistes ? Les traces du métier ne sont-elles pas déjà évidentes dans son portrait de femme (grand salon), particulièrement dans l’exécution des cheveux et des étoffes ? La recette de l’exécution étant connue, il ne reste plus à un portrait aucune sorte d’attrait, car le sujet par lui-même ne fournit rien à l’invention, à l’imagination, à la pensée de l’artiste. Aussi, M. J.-B. Guignet