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de livres imprimés et de manuscrits précieux ou intéressans à plusieurs égards. Malheureusement l’importance de certains manuscrits d’une lecture difficile ne saurait pas être toujours bien appréciée dans certaines localités, de manière que jusqu’à ce jour la plupart sont restés inconnus, et que, malgré la loi qui veut que les communes n’aient que l’usage des livres tirés des couvens, dont la propriété est demeurée à l’état, il est arrivé parfois qu’on en a vendu, comme s’il s’agissait d’une propriété communale. D’ailleurs, la crainte de se voir dépouiller de leurs richesses a porté certaines communes, lorsque le gouvernement demandait les catalogues des manuscrits contenus dans leurs bibliothèques, à n’envoyer le plus souvent que des inventaires informes, plus propres à cacher la valeur littéraire de ces manuscrits qu’à en rehausser l’importance.

Dans un petit nombre de villes, il est vrai, on a publié récemment des catalogues raisonnés des manuscrits ; mais les collections les plus importantes n’ont pas encore été explorées, ou bien elles ne l’ont été que d’une manière très imparfaite. Nous regrettons de ne pouvoir nous arrêter ici aux méprises si burlesques que les difficultés de lire dans les manuscrits du moyen-âge ont pu produire. Dans certains de ces catalogues, on place parmi les livres de philosophie une Chronique de l’ame, qui n’est en réalité qu’un roman de chevalerie dont le vrai titre est Chronique d’Hélène ; dans d’autres (et nous prenons parmi les plus estimés), on croit décrire un ancien manuscrit en l’appelant un traité quelconque sur les maladies ! Il était temps que l’on sût à quoi s’en tenir sur le nombre et l’importance des manuscrits que contenaient les bibliothèques des départemens. Ces recherches, qui intéressent tant l’histoire littéraire, et qui sans doute devront servir plus tard à provoquer des mesures conservatrices, ne pouvaient être ordonnées que par le gouvernement. Dans notre temps, où tout est subordonné à la politique, et où, excepté quelques esprits d’élite, la plupart de nos hommes d’état semblent exclusivement absorbés dans des combinaisons électorales, il fallait un ministre véritablement ami des lettres et de l’érudition pour qu’il s’occupât sérieusement des manuscrits enfouis dans les bibliothèques des départemens. Il fallait aussi un certain courage pour prescrire des recherches sérieuses dans ces bibliothèques. Les étrangers disent si souvent qu’il n’y a rien en France hors de Paris, et ce propos est si facilement répété par les Français, qu’on ne pouvait guère imaginer que des recherches de cette nature dussent amener des résultats