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UNE JOURNÉE À LONDRES.

nous sous le nom de châssis à guillotine. Un perron de pierres blanches, jeté comme un pont-levis sur le fossé où se trouvent les offices, relie la maison à la rue, et la porte, peinte en chêne, est souvent ornée d’un écusson de cuivre où sont écrits les noms et qualités des propriétaires ; tels sont les traits caractéristiques d’une vraie maison anglaise.

Une chose qui donne à Londres un aspect tout particulier, outre la largeur de ses rues et de ses trottoirs, et le peu de hauteur des maisons, c’est la couleur noire uniforme qui revêt tous les objets. Rien n’est plus triste et plus lugubre ; ce noir n’a rien des teintes rembrunies et vigoureuses que le temps donne aux vieux édifices dans les contrées moins septentrionales, c’est une poussière impalpable et subtile qui s’attache à tout, qui pénètre partout et dont on ne peut se défendre. On dirait que tous les monumens sont saupoudrés de mine de plomb ; l’immense quantité de charbon de terre que l’on consomme à Londres pour le chauffage des usines et des maisons est une des principales causes de ce deuil général des édifices, dont les plus anciens ont littéralement l’air d’avoir été peints avec du cirage. Cet effet est particulièrement sensible sur les statues. Celles du duc de Bedfort, du duc d’York au bout de sa colonne, de George III sur son cheval, ressemblent à des nègres ou à des ramoneurs, tellement elles sont encrassées et défigurées par cette funèbre poussière de charbon quintessencié qui tombe du ciel de Londres. — La prison de Newgate, avec ses bossages et ses pierres vermiculées, la vieille église de Saint-Sauveur, et quelques chapelles gothiques dont les noms ne me reviennent pas, semblent avoir été bâties en granit noir plutôt qu’assombries par les années. — Je n’ai vu nulle part cette teinte opaque et morne qui prête aux édifices, demi-voilés par la brume, l’apparence de grands catafalques, et suffirait pour expliquer le spleen traditionnel des Anglais. En regardant ces murailles teintes par la suie du charbon, je songeais à l’Alcazar et à la cathédrale de Tolède, que le soleil a revêtus d’une robe de pourpre et de safran.

Le dôme de Saint-Paul, lourde contrefaçon de Saint-Pierre de Rome, édifice de la famille du Panthéon et de l’Escurial, avec sa coupole bossue et ses deux clochetons carrés, souffre cruellement de l’influence de l’atmosphère de Londres. Malgré les efforts que l’on fait pour le tenir blanc, il est toujours noir, au moins par un côté ; on a beau l’empâter de peinture, l’imperceptible poussière de charbon que tamise le brouillard va plus vite que la brosse du badigeonneur. Saint-Paul est un exemple de plus pour prouver que la forme