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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/298

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REVUE DES DEUX MONDES.

tions ainsi conçues : — Cave garnie à louer pour un gentleman célibataire. Cela doit vous donner une idée suffisante de l’endroit. J’ai eu la curiosité d’entrer dans une de ces caves, et je t’assure, mon cher Fritz, que je n’ai jamais rien vu de si dégarni. Il paraît invraisemblable que des êtres humains puissent vivre dans de pareilles tanières ; il est vrai qu’ils y meurent et par milliers.

C’est là le revers de la médaille de toute civilisation ; les fortunes monstrueuses s’expliquent par des misères effroyables : pour que quelques-uns dévorent tant, il faut que beaucoup jeûnent ; plus le palais est élevé, plus la carrière est profonde, et nulle part cette disproportion n’est plus sensible qu’en Angleterre. — Être pauvre à Londres me paraît une des tortures oubliées par Dante dans sa spirale de douleurs. Avoir de l’or est si visiblement le seul mérite reconnu, que les Anglais pauvres se méprisent eux-mêmes, et acceptent humblement l’arrogance et les dédains des classes aisées ou riches. Les Anglais, qui parlent tant des idoles des papistes, devraient bien ne pas oublier que le veau d’or est l’idole la plus infâme et qui exige le plus de sacrifices.

Les squares, qui sont en grand nombre, corrigent heureusement la fétidité de ces cloaques. — La Place-Royale de Paris est ce qui peut donner la plus juste idée d’un square anglais ; — un square est une place bordée de maisons d’architecture uniforme, dont le milieu est occupé par un jardin planté de grands arbres, entouré de grilles, et dont le gazon d’un vert d’émeraude repose doucement les yeux attristés par les teintes sombres du ciel et des édifices. — Les squares communiquent souvent les uns avec les autres, et occupent des espaces immenses. — L’on vient d’en bâtir de magnifiques du côté de Hyde-Parck, pour être habités par la noblesse ; aucune boutique, aucun magasin ne troublent la quiétude aristocratique de ces élégantes thébaïdes. — Il serait bien à désirer que l’usage des squares se propageât à Paris, où les maisons tendent à se rapprocher de plus en plus, et d’où la végétation et la verdure finiront par disparaître complètement. — Rien n’est plus charmant que ces vastes, enceintes, tranquilles, vertes et fraîches ; — il est vrai de dire que jamais je n’ai vu personne se promener dans ces jardins si attrayans, dont les locataires ont chacun une clé : il leur suffit d’empêcher les autres d’y entrer.

Les squares et les parcs sont un des grands charmes de Londres. Saint-James’s-Parck, tout près de Pall-Mall, est une délicieuse promenade. On y descend par un escalier énorme, digne de Babylone, qui