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PUITS ARTÉSIENS.

hydrauliques plus ou moins dispendieux, comme cela se pratique dans les houillères. On comprend que nos pères aient préféré le battage et le forage, qui, s’opérant d’en haut, dispensent de descendre au-dessous du sol. C’est dans cette différence capitale des deux modes de creusement que gît la distinction essentielle entre les puits artésiens et les puits ordinaires. Agrandissez, si vous voulez, le trou de sonde, donnez-lui le diamètre des plus larges fosses des mines : tant que la force motrice partira d’en haut, tant que l’ouvrier ne quittera pas le sol, et que les outils qu’il allonge progressivement descendront seuls dans les entrailles de la terre, vous aurez fait ce qu’on appelle un puits artésien.

Les personnes qui ne sont pas au courant des lois de la physique ont quelque peine à comprendre une circonstance assez curieuse des forages artésiens. Quand le trou de sonde n’est encore descendu qu’à une faible profondeur, l’eau ne s’y maintient qu’à une certaine distance du sol et n’afflue qu’avec lenteur. Plus on avance, plus l’afflux des eaux devient en général rapide, et plus elles s’élèvent dans le puits. Enfin, quand on descend à une profondeur suffisante, on atteint, dans un grand nombre de lieux du moins, la nappe qui rejaillit au-dessus du sol. Il semble, au premier abord, qu’il y ait là un phénomène en quelque sorte paradoxal. Comment les eaux qui tendent toujours, comme nous le savons, à descendre vers le centre de la terre, peuvent-elles remonter d’autant plus haut dans le puits qu’on les a prises plus bas ?

Les eaux que rencontre d’abord le sondeur sont de faibles infiltrations entretenues par ce que les premières couches de terre ont retenu des dernières pluies, ou par ce que leur fournissent les cours d’eau voisins. Ces eaux descendent peu à peu à travers ces terres poreuses, jusqu’à ce qu’elles rencontrent une couche peu perméable, telle qu’un banc de craie bien compacte ou d’argile ; là elles s’amassent, et forment la première nappe d’eau qui alimente les puits ordinaires, peu profonds, des villes et des campagnes. On comprend tout de suite pourquoi le niveau de ces puits baisse avec la sécheresse, et pourquoi ils se tarissent à certaines époques.

Mais le sondeur creuse davantage ; il atteint, je le suppose, au-delà de ce banc de craie compacte, au-dessous de ce banc d’argile, une couche très poreuse, des sables, par exemple, et plus bas encore un autre banc peu perméable à l’eau. Admettons que cette couche de sable et ses deux enveloppes s’étendent à une assez grande distance, et se relèvent, dans une certaine direction, jusqu’à la sur-