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Dans ces clercs, cependant, ton image est vivante,
Et chantant leurs combats, Liberté, je te chante !
Ils n’avaient plus qu’un choix, ces fils de paysans :
Ou prêtres ou soldats ; — ils se sont faits chouans ;
Et leur pays les voit tombant sur les bruyères,
Sans grades, tous égaux, tous chrétiens et tous frères…
Hymnes médiateurs, éclatez, nobles chants !
Vanne aussi m’a nourri, mon nom est sur ses bancs ;
J’ai nagé dans son port et chassé dans ses îles,
J’ai vu les vieux débris de ses guerres civiles ;
Puis je connais le cloître où le moine Abeilard
Vers la libre pensée élevait son regard.
Planez sur les deux camps, ô voix médiatrices,
Et fermons aujourd’hui toutes les cicatrices !…


Ces enfans, accablés du poids de leurs fusils,
Ils partirent trois cents, combien reviendront-ils ?
Toujours une fumée entoure la colline,
Voile où la Mort se cache et lâchement butine.
Barde, ô dans la mêlée écho retentissant,
Bouche d’or, te voilà toute pleine de sang !
Maudite soit la main et maudite l’épée
Par qui du cygne blanc la gorge fut coupée !
Mais Gam-berr, mais le chef si long-temps attendu,
Il vient ! comme Grouchy, lui ne s’est point perdu. —
Ici, terreur soudaine ; ici, nouveaux carnages.
Dieu soit en aide aux Bleus ! — Ô chouans ! ô sauvages !
Sur ces pâles fuyards lancés comme des loups,
N’aurez-vous point pitié de chrétiens comme vous ?
Voyez ! pour effacer vos traces meurtrières,
Vos fils vont relevant ceux qu’abattent leurs pères !
Le sang de ce soldat couché dans les sillons,
Le doux Can-dal l’essuie avec ses cheveux blonds !
Ce soir dans Muzillac célébrez vos batailles,
Eux, ils entonneront le chant des funérailles ;
Remplissez au banquet les verres jusqu’aux bords,
Dans la couche éternelle ils étendront les morts ! —