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entre Rome et Constantinople, il prit le parti des Occidentaux. Sa mort, loin de refroidir ses partisans, donna une nouvelle force à leur zèle ; le bruit se répandit qu’il se faisait des miracles près de son corps ; ses disciples lui dressèrent une chapelle et un tombeau dans Hama, et bientôt il s’y forma un couvent qui acquit une grande célébrité dans toute cette partie de la Syrie. Cependant les querelles des deux métropoles s’échauffèrent, et tout l’empire partagea les dissensions des princes et des prêtres. Sur la fin du VIIe siècle, un moine du couvent de Hama, appelé Jean le Maronite, acquit, par son talent dans la prédication, une grande influence dans la contrée, et devint un des plus fermes appuis de la cause des Latins ou partisans du pape. Il y avait alors lutte ouverte entre les Latins et les partisans de l’empereur, appelés melchites ou royalistes. Le légat du pape à Antioche appela auprès de lui Jean le Maronite ; il le sacra évêque de Djebaïl, et l’envoya prêcher dans le Liban[1]. Les progrès du missionnaire furent rapides ; tous les chrétiens syriaques qui n’avaient point été atteints par l’hérésie des monothélites se réunirent autour de lui ; peu à peu, au lieu de ne fonder qu’une congrégation, il se trouva amené à fonder un peuple. Les Latins, réfugiés dans le Liban, se retranchèrent dans ces libres montagnes, et ils y formèrent une société indépendante pour l’état civil comme pour l’état religieux. Jean établit chez ces montagnards un ordre régulier et militaire, leur donna des armes et des chefs, et bientôt ils se rendirent maîtres de presque toutes les montagnes jusqu’à Jérusalem. Le schisme qui divisa l’islamisme à cette époque facilita leurs succès.

Les notions très vagues que l’on a conservées de leur histoire jusqu’à l’époque des croisades, offrent peu d’intérêt. Pendant un intervalle de plusieurs siècles, ils perdirent une grande partie de leurs possessions, et furent restreints dans leurs limites actuelles. Ils ne reparaissent véritablement sur la scène qu’au moment de la réunion qu’ils opérèrent avec l’église romaine, dont ils n’avaient jamais été bien éloignés. Cette réunion se fit vers l’an 1215, mais les Maronites restèrent long temps encore sous l’autorité de leurs patriarches. Par suite des évènemens qui firent perdre aux chrétiens la possession des lieux saints, l’attachement de ce peuple à l’église de Rome se refroidit beaucoup, et l’autorité des patriarches s’en accrut. Mais au commencement du XVe siècle, la cour de Rome, par d’habiles négociations, amena les Maronites à reconnaître définitivement sa supériorité, et sous le pontificat d’Eugène IV, en 1445, cette reconnaissance fut solennellement renouvelée. Depuis lors, Rome a su maintenir les Maronites dans le sein de la communion catholique par de sages concessions et des transactions sur la discipline dont nous aurons à parler plus loin.

La conquête de Syrie par les Ottomans ne changea rien à la situation des Maronites et des Druses, qui, bien que profondément séparés par les croyances religieuses, se réunissaient cependant contre l’ennemi commun pour rester

  1. Volney, Voyage en Syrie, t. I, ch. 24.