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LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

N’est plein que d’herbe parasite ;
L’hyacinthe et la marguerite
N’y veulent pas multiplier.

Là-bas, au fond de la vallée,
J’ai vu dans plus d’un frais jardin
Croître des fleurs sous la feuillée,
Dans la plus heureuse mêlée
De l’or, de l’argent et du lin.

Dans ce jardin, sur la montagne,
Le lis s’incline avant le temps
Au souffle du froid qui le gagne.
Brave homme, laisse ta campagne
Et ton vieux toit battu des vents.

Le jardinier de la contrée
Reste pensif en attendant
L’heure où la montagne sacrée
Nage dans la flamme empourprée
Du dernier rayon d’occident ;

L’heure où la terre toute en sève
S’abîme dans l’obscurité,
Où, dans la vapeur qui s’élève,
Flottent les images du rêve
Comme en un pays enchanté.

— Ici mon jardin sans limites,
Ici le printemps éternel.
Où sont les herbes parasites ?
Vois les roses, les marguerites,
Croître sur le sol bleu du ciel.

Vois ce beau palais, à cette heure,
Où tant d’or reluit, tant de feu,
Que l’oeil s’en éblouit et pleure ;
Eh bien ! j’y marche et j’y demeure
Avec tous les anges de Dieu.

Autour de cette note fondamentale de la lyrique de Kerner se croisent et se jouent d’autres voix plus ou moins indépendantes, fugitives, mais toujours dans le ton et l’harmonie de l’ensemble. Chemin faisant, il s’édifie au récit des pieuses légendes, il écoute et recueille les traditions qui consacrent les monumens et les cités. L’enfance croit au merveilleux, mais sans arrière-pensée, sans épou-