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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/655

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ÉTUDES SUR LES TRAGIQUES GRECS.

plus voisins de l’autel ou thymélé. À Rome, la gradinata du théâtre bâti par Pompée était surmontée d’un petit temple dédié à Vénus ; c’était là qu’avant les représentations théâtrales les consuls, les pontifes et plus tard, en cette double qualité, les empereurs, sacrifiaient et priaient pour le salut du peuple romain. On voit dans Suétone l’empereur Claude ne venir occuper la loge impériale préparée pour lui dans l’orchestre qu’après être monté dans cet édicule, et y avoir fait les supplications prescrites : Cùm priùs apud superiorem œdem supplicasset.

Il n’y avait pas moins de cérémonies pieuses après les représentations scéniques. Tertullien, parlant des spectacles du paganisme, s’écrie : Quanta sacra, quanta sacrificia prœcedant, intercedant, succedant ! À Athènes, le prêtre de Bacchus donnait, à l’issue des concours dionysiaques, un grand repas, ce qui suppose, comme on sait, un ample sacrifice. Il y a plus, les choréges, les poètes, les tragédiens vainqueurs, consacraient souvent, dans le temple même de Bacchus, les couronnes et les trépieds qu’ils avaient reçus en prix, et quelquefois les riches vêtemens qu’ils avaient portés ou fournis[1], en y joignant des inscriptions destinées à perpétuer le souvenir de leur victoire. Enfin, les acteurs, membres, comme on sait, d’une confrérie religieuse, et qu’on appelait, pour cette raison, les suivans ou les artisans de Bacchus, οἱ περὶ τὸν Διονύσον τεχνῖται, les commensaux des Muses ou d’Apollon, Musarum vel Apollinis parasiti, les acteurs, dis-je, lorsqu’ils se trouvaient forcés par la vieillesse ou par d’autres motifs, d’abandonner le théâtre, avaient soin de suspendre l’insigne de leur profession, leur masque, dans le temple du dieu leur patron. Cependant je ne crois pas qu’il soit exact de dire que la représentation des ouvrages dramatiques, née du culte même de Bacchus, y soit restée toujours et exclusivement attachée. M. Patin réduit aux quatre fêtes annuelles de Bacchus les occasions où se donnaient à Athènes des tragédies et des comédies. C’est exclure trop arbitrairement, suivant moi, les Panathénées, qui ont pour elles l’autorité de Diogène de Laërce[2]. En outre, M. Patin oublie trop que les concours tragiques faisaient presque toujours partie des jeux funèbres. Lui-même rapporte, d’après Plutarque, le fait que nous avons cité de la présence de Cimon au théâtre de Bacchus, le jour où l’on allait jouer une tragédie de Sophocle, dans

  1. Lysias, Apolog., p. 698, F.
  2. lib. III, 56. — Cf. Suid., voc. τετραλογία.