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prètes de l’expédition, dans le but de remettre cette même dépêche à l’autorité supérieure de la ville, avec prière ou injonction de la faire parvenir à sa destination. Or, chacun devait savoir qu’aucun mandarin, sur toute la côte de Chine, n’oserait recevoir et encore moins acheminer une missive d’un étranger adressée aux hauts fonctionnaires de l’état, à moins que le danger immédiat d’un refus ne parût plus grand que celui auquel on s’exposerait en accédant à une pareille demande. La lettre fut donc renvoyée ; les officiers anglais crurent qu’il était de leur devoir d’insister, et il s’ensuivit un conflit dans lequel périrent une douzaine de Chinois, tués par les canons de la frégate, qui avait pris position de manière à battre le fort d’Amoy. C’était une façon un peu rude de donner aux Chinois une leçon de politesse et de leur apprendre ce que sans doute la lecture d’un document qui leur avait déjà été adressé par le commandant de la Blonde, ne leur avait point enseigné, la valeur et la signification d’un pavillon parlementaire.

Le même jour, 9 juillet, la partie de la côte de Chine qui s’étend depuis Ning-po jusqu’à l’embouchure du Yang tzee-keang (du 30e degré au 32e de latitude) fut bloquée par une portion de l’escadre anglaise. Ce blocus avait moins d’inconvéniens que celui de Canton, car il n’était pas dirigé, comme celui-ci, contre les intérêts immédiats du commerce anglais, mais il avait le même tort, celui d’être une mesure très impolitique et nuisible au succès des négociations qu’on allait entamer.

Le 27 juillet, les plénipotentiaires quittèrent Chusan pour remonter la côte jusqu’à l’embouchure du Pei-ho. Un vaisseau de 74, une frégate de 44, trois corvettes, un bateau à vapeur et deux transports formaient l’expédition. Le 11 août, cette petite escadre était à l’ancre, partie en dehors, partie en dedans de l’embouchure de la rivière.

Nous touchons, monsieur, à une des phases les plus extraordinaires de cette importante question. En lisant le récit des évènemens qui se sont succédé dans la rivière de Canton, depuis le mois de mars 1839 jusqu’à l’arrivée de l’expédition en juin 1840, vous avez vu la petite communauté anglaise se débilitant, privée de moyens de résistance, sous les mesures oppressives du commissaire impérial Lin. Mais le jour de la vengeance est arrivé ; une flotte anglaise est sur les côtes de la Chine ; elle parcourt, triomphante, les mers qui la baignent ; les forts s’écroulent sous les boulets de ses canons, et le pavillon britannique a remplacé l’étendard céleste sur une des principales îles qui servent de ceinture au littoral de l’empire. Probablement le langage des plénipotentiaires va être d’accord avec des actes aussi énergiques ; l’escadre est à l’ancre à l’embouchure de la rivière qui conduit à la capitale, et du palais de l’empereur on peut presque entendre le canon des vaisseaux anglais. C’est ici que la nation chinoise va se montrer sous son véritable jour, ennemie de tout conflit sanglant, à moins que les circonstances ne lui rendent la victoire facile et assurée, remplaçant par une habileté sans exemple, par une astuce incroyable, si l’on veut, ce qui lui manque, je ne dirai pas de courage, mais d’expérience des choses militaires. La plume à la main ou la parole