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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/741

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LETTRES DE CHINE.

négociations avaient commencé. La communauté anglaise ignorait complètement la nature et les détails de ces négociations. Les demandes du gouvernement anglais n’étaient pas mieux connues. La presse ne fut pas moins violente contre le silence de M. Elliot qu’elle ne l’avait été contre ses actes publics. Elle prétendait que, lorsque des intérêts aussi graves étaient en jeu, elle avait le droit de donner son opinion sur les mesures qui devaient les affecter aussi gravement. Certes, personne ne serait tenté de justifier une pareille prétention ; toutes les règles les plus simples de la diplomatie faisaient à M. Elliot une loi de suivre les négociations dans le plus grand secret. On ne connut donc à Macao que l’arrivée de l’expédition du Pechili ; par les Chinois, on sut plus tard quelles étaient les propositions du gouvernement anglais. Les principales étaient le paiement d’une somme de 6 millions de piastres (environ 36 millions de francs au change de Chine), la cession de l’île d’Hongkong, une de celles dont est couverte l’embouchure de la rivière de Canton, les communications directes et sur le pied d’égalité avec les autorités chinoises, et l’ouverture au commerce étranger d’un ou plusieurs ports sur la côte. Mais à peine les plénipotentiaires des deux nations étaient-ils réunis, que les conditions posées par le gouvernement anglais parurent inadmissibles au commissaire chinois. On devait s’y attendre, et cependant il paraît qu’il n’en fut pas ainsi. Le plénipotentiaire anglais semblait compter, à son arrivée dans la rivière de Canton, sur une prompte solution de la question. Il ne pesait pas assez les conséquences que des concessions aussi importantes pourraient avoir sur tout le système politique de la Chine. En effet, tout l’échafaudage de la constitution chinoise était renversé si l’empereur accédait aux propositions qui lui étaient faites. Le paiement de l’indemnité exigée n’eût présenté aucune difficulté ; les autorités chinoises savaient bien où elles trouveraient les fonds nécessaires. Le con-soo, les fonds mis en réserve depuis de longues années pour payer les dettes contractées par les hanistes en faveur des étrangers, la fortune des hanistes eux-mêmes, qu’on considérait comme ayant le monopole de tous les avantages du commerce et comme devant en supporter les charges, eussent suffi de reste. C’eût été le sacrifice de quelques individus, considération de très peu d’importance pour le gouvernement chinois. Mais admettre l’égalité des agens des nations barbares et des hauts mandarins de l’empire céleste était une prétention qu’on ne pouvait trop repousser. Ouvrir les ports de la Chine au commerce étranger, c’était ouvrir la Chine à l’influence étrangère, et on savait que c’était signer l’arrêt de mort de l’empire chinois. Les Anglais avaient pris Chusan, il est vrai ; mais quelles étaient les conséquences de cette conquête ? La presse britannique avait eu soin d’en instruire le gouvernement chinois ; les soldats y mouraient par centaines, et l’évacuation de l’île était déjà devenue une nécessité. D’un autre côté, les Chinois avaient obtenu un triomphe évident à Teent-sin ; ils avaient virtuellement chassé l’escadre anglaise du golfe de Pechili, et l’avaient renvoyée, pour ainsi dire, devant les tribunaux de la Chine, plaider la cause de l’Angleterre à Canton. Aussi ne dut-on pas être surpris, à Macao, quand