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« Les Anglais barbares obéissent aujourd’hui aux ordres, et, par un document officiel, ils ont rendu Ting-hae (Chusan, Ting-hae est la capitale de cette île) et Schakeo (les deux forts pris à l’entrée de la rivière), me priant, avec les plus vives instances, de faire un rapport sur leur affaire, et de demander pour eux la faveur impériale.

« Aujourd’hui toutes ces affaires sont parfaitement bien arrangées ; il n’est plus nécessaire d’exécuter les ordres donnés antérieurement pour arrêter le commerce et intercepter l’envoi des provisions. C’est dans ce but que j’adresse les nouveaux ordres au tung-he, afin qu’il les exécute sans opposition. Ceci est une dépêche spéciale. »

Keschen était-il de bonne foi quand il écrivait cette dépêche ? Je serais assez porté à le croire, si je ne connaissais l’astuce excessive du caractère chinois. Un document publié, à la même époque, par les journaux de Canton, semblerait venir à l’appui de cette opinion : c’est un mémoire du sous-gouverneur de la province de Che-kiang (capitale Ning-po) à l’empereur. Ce fonctionnaire exprime la crainte que Keschen ne se laisse séduire par les intrigues et les caresses des Anglais. D’un autre côté, les évènemens qui suivirent cette transaction, qui éveilla, dans toute l’Inde et jusqu’en Angleterre, tant d’espérances bientôt déçues, doivent faire penser que cette convention préliminaire ne fut qu’un acte de diplomatie chinoise peu justifiable sans doute, mais que l’injustice, — évidente pour les Chinois, — de la guerre qu’on leur faisait, la faiblesse relative de leurs moyens de défense et l’intérêt de leur conservation pourraient, en quelque sorte, faire excuser. En signant ces conventions, Keschen était resté d’ailleurs, non dans le droit rigoureux tel que nous le concevons, mais dans le caractère bien connu de sa nation.

Ce qui est plus difficile à expliquer, c’est la conduite du capitaine Elliot dans cette circonstance. Je l’essaierai cependant, après avoir exposé les faits. Je suis loin de blâmer absolument les termes dans lesquels l’arrangement préliminaire avait été conclu. Cette convention n’a pas reçu, il est vrai, l’approbation du gouvernement anglais, lorsqu’elle a été connue de lui ; mais je l’ai regardée, quand elle eut lieu, et je la regarde encore comme la solution la plus satisfaisante que l’Angleterre pût, à cette époque, espérer d’obtenir. Elle recevait une satisfaction qui compromettait presque l’existence du gouvernement chinois qu’elle avait fait plier. Une somme de 36 millions de francs lui était payée. Cette somme ne représentait pas la valeur de l’opium saisi et les frais de l’expédition ; mais, comme compensation, une des îles de la rivière était cédée à l’Angleterre. Entre ses mains, cette cession n’aurait pas manqué de produire des résultats ; plus que toute autre chose, d’ailleurs, la responsabilité d’une guerre dont les conséquences pouvaient devenir fatales ne pesait plus sur elle, et le commerce de la Chine, cette source inépuisable de richesses, allait s’ouvrir de nouveau à sa navigation et à son industrie. Toutefois, le traité n’était pas sans quelques taches que la discussion des détails, qui devait avoir lieu ultérieurement, aurait peut-être fait disparaître.

Une des conditions de la cession de l’île d’Hong-Kong, ou plutôt la seule