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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/75

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DU MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE.

sa conversion avait fait du bruit dans cette préface, il attaquait toutes les écoles régnantes. Élève de l’école normale, il traitait l’éclectisme sans pitié, et le condamnait à n’être qu’un syncrétisme, c’est-à-dire l’accouplement de doctrines contradictoires et la négation même de toute philosophie. Prêtre, il n’épargnait pas l’enseignement des séminaires ; on n’enseignait au clergé, disait-il, qu’une sorte de rationalisme scholastique, « rationalisme mesquin, bien plus étroit que celui de l’école écossaise. » Descartes même n’y était pas ménagé, et l’on y présentait sa philosophie comme une doctrine stérile et anti-chrétienne, repoussée avec raison pendant cent cinquante ans par le clergé, et à laquelle il revenait maintenant par ignorance ou par imprudence. Toutes ces attaques, assez superficielles, annonçaient du moins un esprit très convaincu et disposé à prendre dans la science un caractère net et déterminé. Sur ce point seulement, M. Bautain n’a pas trompé les prévisions qu’il avait fait naître. Ce n’est pas un catholique comme M. de Lamennais, M. Saint-Bonnet, M. Buchez, qui ne se montrent si fidèles au dogme de la trinité que pour se délivrer des commandemens de l’église ; c’est un catholique pur et simple, n’admettant pas que l’on puisse douter comme philosophe de ce qu’on est obligé de croire comme chrétien, substituant à la raison, non pas cette révélation personnelle et immédiate dont le sens équivoque trouble si profondément l’esprit de M. Buchez et de M. Saint-Bonnet, mais « la révélation faite aux patriarches, et plus tard à Moïse et aux prophètes d’Israël, révélation qui a été expliquée, continuée, complétée par la parole évangélique. » La philosophie n’est pour M. Bautain ni supérieure, ni égale à la foi ; elle n’a pas son chemin tracé à part, et n’en saurait être indépendante. La philosophie est la servante de la théologie, elle est l’exégèse sacrée ; elle peut commenter les vérités révélées sous l’autorité de l’église. À nos yeux, parler ainsi, c’est nier tout simplement la philosophie ; mais au moins cela est clair et catégorique. Il n’y a pas là d’illusion ni de faux-fuyant. On ne substitue pas la tradition à la foi, le suffrage universel aux conciles, ni la révélation personnelle à la parole de Jésus-Christ et à l’autorité des apôtres.

M. Bautain conçoit donc la philosophie comme la scholastique l’avait conçue, c’est-à-dire qu’il ne s’en occupe que pour l’anéantir, pour faire la guerre à la raison humaine et l’humilier devant la foi. « La parole sacrée, dit-il, doit fournir au vrai philosophe les principes, les vérités fondamentales de la science ; mais c’est à lui qu’il appar-