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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/812

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REVUE DES DEUX MONDES.

s’est toujours laissé gaaigner à tout le monde, si Dieu n’y faict miracle, je n’y voy nulle bonne issue. » La reine de Navarre s’est dépeinte en ce peu de mots : douceur et intelligence, c’est ce qui se montre en cette phrase et dans toute sa correspondance.

« Le vif intérêt, dit M. Génin, la protection efficace dont Marguerite favorisa toute sa vie les littérateurs, se révèle en plusieurs endroits de ses lettres, mais point assez encore pour faire apprécier l’influence de cette bonne princesse sur les progrès de l’intelligence au XVIe siècle. Ce qu’on appela son protestantisme serait appelé aujourd’hui d’un terme plus juste, esprit philosophique, sympathie pour les recherches des libres penseurs. Et si Marguerite leur eût manqué, qui donc en France eût osé appuyer Lefebvre, Roussel, Marot, Desperriers, Berquin, Dolet, Du Moulin, Postel et tant d’autres ? Et plût à Dieu qu’en les défendant à ses propres périls, elle eût réussi à les sauver tous du bûcher ! »

Malherbe, qui écrivait au moment où l’on venait de sortir des guerres civiles religieuses, dit quelque part en parlant de cette époque cruelle :

Tu nous rendras alors nos douces destinées ;
Nous ne reverrons plus ces fâcheuses années
Qui pour les plus heureux n’ont produit que des pleurs ;
Toute sorte de biens comblera nos familles,
La moisson de nos champs lassera nos faucilles,
Et les fruits passeront la promesse des fleurs.

Le jugement que le poète porte ici sur ces fâcheuses années qui pour les plus heureux n’ont produit que des pleurs, me paraît être le jugement qui doit être porté sur ce temps, un des plus tristes de nos annales. En Allemagne, en Angleterre, dans le Nord, la réforme enthousiasma les populations, entraîna les souverains, sécularisa les possessions ecclésiastiques, et donna à ces pays une forme nouvelle et un esprit nouveau. En France, au moment où les guerres religieuses y éclatèrent, la réforme, prêchée depuis plus de trente ans, n’avait plus beaucoup à espérer entre le souverain, qui ne l’adoptait pas comme en Angleterre, et le gros de la population, qui ne s’y précipitait pas comme en Allemagne. Mais, par un entraînement dont on voit de fréquens exemples, le gouvernement se fit parti, et la France se trouva enveloppée dans une guerre civile de quarante ans, signalée par d’horribles massacres et d’odieuses perfidies.

Lorsque Henri III, après l’assassinat des Guises, fut obligé de se