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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/890

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REVUE DES DEUX MONDES.

Trajan près d’Isladi, la Porte-de-Fer, qui se trouve en avant de Ternov, dans la partie la plus élevée de la chaîne, et celle de Choumla, au-delà d’Aïdos. Ce sont là les vraies portes de Stamboul. Du côté de la terre, le repos de la capitale turque dépend ainsi du bon plaisir des pâtres du Balkan.

Malgré tant de montagnes, malgré les neiges qui en hiver couvrent leurs versans, la Bulgarie est encore un des plus fertiles pays de l’Europe. Tous les produits des climats tempérés y viennent en abondance. L’humus couvre les monts jusqu’à leur cime. Ces chaînes taillées à pic recèlent de vastes prairies cachées dans les nuages, et où l’on monte à travers des forêts de cerisiers, de pruniers, de noyers au majestueux ombrage et de noisetiers gros comme des chênes. La richesse métallique de ces montagnes est suffisamment attestée par les paillettes d’argent et d’or que roulent les torrens. Cependant les seules industries notables des Bulgares sont la fabrication de draps grossiers et la préparation de l’huile de rose. Cette essence, le plus exquis des parfums orientaux, est aujourd’hui due exclusivement aux simples populations du Balkan ; mais le profit considérable qu’elles devraient tirer de la vente de ce produit dans toute l’Europe leur est enlevé par les avides Arméniens, qui ont réussi à s’attribuer le monopole de cette branche de commerce et de tant d’autres.

Frappés uniquement de l’activité agricole du Bulgare, et oubliant les avanies qui l’accablent, les touristes anglais peignent cette partie de l’empire d’Orient comme un paradis terrestre où tout est joie, où coulent le lait et le miel. La réalité ne ressemble guère à ces peintures. Rien ne rappelle mieux les hameaux des sauvages qu’un celo (village bulgare). Toujours éloigné de la grande route ou du terrain libre auquel on donne ce nom, invisible par conséquent pour la plupart des voyageurs, le celo s’étend le plus souvent en longueur sur une prairie, au bord d’un ruisseau qui lui sert de fossé et comme de défense naturelle. Ces villages sont très nombreux, ils se succèdent presque de lieue en lieue. Chaque celo se compose de quatre à cinq cours ou groupes de maisons, séparées l’une de l’autre par des espaces où croît l’herbe. Les cours, enceintes d’une haie épaisse, dessinent comme autant d’îles dans cette mer de verdure. Le nombre des huttes qui forment une cour est presque toujours de dix à douze. Ces huttes sont tantôt construites en claie d’osier, ce qui les fait ressembler à de vastes paniers, tantôt enfoncées en terre et recouvertes d’un toit conique en chaume ou en branches d’arbres jetées pêle-mêle. Chaque espèce de créatures a sa demeure à part