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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 30.djvu/975

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LES MONARCHIENS DE LA CONSTITUANTE.

autres nations, étonnées, s’applaudissaient de leur neutralité. La mort du malheureux Louis XVI rendit tout accommodement impossible et fit cesser les incertitudes de ceux des gouvernemens étrangers qui n’avaient par encore pris parti contre nous. L’Espagne et Naples entrèrent aussitôt dans la coalition. Les pays libres eux-mêmes y accédèrent ; l’Angleterre se déclara et entraîna avec elle la Hollande. Alors seulement toute l’Europe fut en armes ; alors aussi la révolte de la Vendée prit ce caractère d’acharnement qui l’a rendue si redoutable. C’est en ce moment suprême que la convention fit face à tout avec une énergie admirable. Tout ce qu’on a dit de la puissance qu’elle déploya pour conserver l’intégrité du plus beau royaume après celui du ciel, se trouva vrai ce jour-là, mais ce jour-là seulement. Rien de plus gigantesque assurément que l’effort des quatorze armées ; mais n’eût-il pas mieux valu n’en avoir pas besoin ? Où devait aboutir après tout ce duel d’un peuple avec le monde ? à Waterloo. Nos héroïques soldats sont entrés tour à tour dans toutes les capitales de l’Europe, mais nous avons vu deux fois la nôtre occupée par les alliés, et nous nous sommes retrouvés, après tant de prodiges, affaiblis et rançonnés.

Sans doute, quand nos armées traversèrent pour la première fois l’Europe, elles trouvèrent les peuples dans l’attente, et partout les sociétés antiques se renouvelèrent à leur voix ; mais ce n’est pas à la république qu’il faut reporter tout l’honneur de ces succès : elle ne fit que recueillir ce qu’un siècle d’apostolat avait semé. Depuis long-temps éteintes dans le cœur des rois, les espérances de 1789 vivaient encore dans les nations ; sous quelque forme qu’elle se présentât, la révolution devait être la bien-venue. L’Europe entière fit comme la France, elle se soumit au mal pour avoir le bien. Puis, l’expérience faite, la propre nature de la république parut à découvert, avec ses goûts de désordre et de tyrannie, et elle finit par soulever partout autant de répulsion qu’elle avait d’abord excité de sympathie. La réaction fut quelque temps contenue par le génie de Napoléon et le magnifique épisode de l’empire ; mais, quand ce qui restait du glorieux esprit de 1789, esprit de justice, de liberté, de fraternité humaine, d’indépendance nationale, eut entièrement disparu dans l’ivresse de la conquête, l’Europe se leva pour secouer le joug. La colère avait succédé à l’enthousiasme, la reconnaissance de nos bienfaits s’était perdue dans le ressentiment de notre domination. De même que l’élan de 89 avait amené les victoires de 92 et