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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

favorables à certaines cultures, puis sur cet espace distribuent les êtres qu’ils croient le plus utiles au développement de la production. Le travail dès-lors n’a plus rien de spontané ni d’arbitraire ; il devient une fonction, il est imposé par une loi, et la mesure en est réglée ; quant à la qualité, elle est ce qu’elle peut. Ainsi procède le régime du parfait contentement ; en disposant d’une manière mécanique de l’activité individuelle, il abolit, à ce qu’il semble, l’une de nos plus douces libertés, celle de ne rien faire, et détruit le plus innocent de tous les priviléges, celui de faire mieux que les autres.

À côté du pouvoir d’imposer le travail à ses administrés, l’état a un devoir bien grave, celui de les faire vivre. Toutes les existences sont placées sous sa responsabilité ; il faut qu’il défraie, dans les moindres détails, les besoins de la communauté. Ce peuple attend chaque jour sa nourriture comme le prophète attendait son pain dans le désert. Il importe qu’il y en ait pour tous, et pour tous en dose égale. Les plus grandes iniquités ont souvent commencé par de petits abus. Des magistrats président donc à la répartition comme à la production générale. Comptables universels, ils doivent pourvoir les zones pauvres avec l’excédant des zones riches, présider à la circulation des denrées de manière à ce qu’aucun citoyen n’ait le droit de les accuser de l’insuffisance de ses repas, de la qualité et de la quantité des mets qui le composent. La critique est dans l’essence de l’esprit humain : il y aura des réclamations, il faut s’y attendre, et la question alimentaire partagera plus d’une fois le gouvernement lui-même. Mais, d’un autre côté, jamais arme plus terrible n’aura été remise aux mains du pouvoir central. Qu’une province s’agite, à l’instant même on lui supprime les approvisionnemens ; la révolte meurt d’inanition.

Les égaux, on le voit, n’hésitent devant aucune difficulté ; la hardiesse n’est pas ce qui leur manque. Les grands centres de population les embarrassent : ils abolissent cet élément d’agitation et d’immoralité ; point ou peu de villes, beaucoup de bourgs et encore plus de villages. Le luxe prend naissance dans les villes, et du luxe il n’en faut pas. Une honnête aisance (le mot appartient au programme des égaux) doit être désormais la condition générale, uniforme ; rien au-dessous, rien au-dessus. Aussi les palais disparaîtront-ils ; à peine tolérera-t-on la magnificence dans les monumens publics. En revanche, les maisons seront commodes et surtout installées de manière à n’exciter, par la comparaison des logemens, aucune jalousie. Ce sera le souci et aussi l’honneur des architectes de trouver un juste