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aussi où le droit de l’Angleterre ne paraît pas contestable. L’Angleterre renoncera sans doute à toute prétention relative au droit de visite. Les États-Unis, de leur côté, pourraient-ils réclamer sérieusement l’extradition des esclaves de la Créole ? Les deux prétentions sont également exorbitantes et contraires aux principes du droit international.

Buenos-Ayres est devenu le théâtre de crimes effroyables. Les fédéralistes égorgent impunément leurs adversaires politiques, les unitaires. Le gouvernement est spectateur impassible de ces atrocités. Quel pays ! quels hommes ! Peut-on sérieusement voir là un gouvernement ? Le désordre n’y est pas un accident, un malheur passager ; c’est l’état habituel du pays. C’est une guerre civile, atroce et permanente. En attendant, des Français se trouvent au milieu de ces horreurs. Nous aimons à penser que notre gouvernement aura pris toutes les mesures nécessaires pour que la protection de la France ne manque pas à nos compatriotes.

Les succès de nos armes en Afrique deviennent de plus en plus brillans et décisifs. Le fait éclatant du colonel Korte, de la division Changarnier, aura un grand retentissement dans toutes les provinces de l’Algérie. L’effet politique et moral en sera excellent. Les Arabes croient avant tout à la force. On est légitime à leurs yeux lorsqu’on est puissant. De nouvelles tribus ont encore fait leur soumission. Nos marchés s’approvisionnent ; le prix des denrées baisse tous les jours ; les routes deviennent sûres, les communications faciles ; bref, il est juste de le reconnaître et d’en remercier notre vaillante armée, l’aspect de l’Algérie est tout autre qu’il n’était il y a un an. On peut dire aujourd’hui que nous possédons l’Algérie, et qu’une population africaine obéit aux lois de la France. Ne ralentissons pas toutefois nos efforts. Si l’édifice est fondé, n’oublions pas que les fondemens sont d’hier, que le temps, la persévérance et la bonne administration peuvent seuls les consolider et les étendre. Il faut bien rappeler que dans plus d’un pays nous avions débuté par de brillans succès, mais que plus d’une fois les abus de pouvoir et la mauvaise administration ont refoulé dans le cœur des populations conquises les sentimens d’affection et les sympathies qu’elles avaient d’abord laissé éclater. Au surplus, nous nous plaisons à rendre justice à M. Bugeaud ; comme général et comme administrateur, il a bien mérité de son pays.


V. de Mars.