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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/398

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REVUE DES DEUX MONDES.

Son espoir ne fut pas trompé. Tous les pachas roméliotes, qui étaient accourus avec leurs troupes pour ravager la Mirdita où chacun d’eux avait son camp à part, furent attaqués le même jour et à heure fixe par les tribus mirdites. On eût dit de nouvelles vêpres siciliennes ; pas un Turc n’échappa ; ils furent expulsés même des petits forts qu’ils avaient possédés jusqu’alors ; et dont les garnisons périrent jusqu’au dernier homme, sous les coups impitoyables des Mirdites latins. De son côté, le visir Mahmoud réussit à brûler, au moyen de radeaux enflammés, la flottille turque qui, ancrée dans la Boïana, bloquait et affamait Skadar. Par une autre ruse de guerre, il se débarrassa également des deux mille Autrichiens que leur ambitieux empereur envoyait vers la Mirdita sous prétexte de la protéger. Ayant peu de temps après découvert les menées de l’agent impérial Brognard et de ses collègues, il les fit périr, et envoya leurs têtes à la sublime Porte, comme gage de réconciliation. Le divan fut heureux de voir Mahmoud le noir ou le félon si bien disposé à son égard. La victoire du rebelle fit lever l’excommunication prononcée contre lui, et le visir triomphant resta assis au Rosapha comme un souverain sur son trône. Enfin sa mauvaise étoile et l’absurde haine des Mirdites latins contre les schismatiques le poussèrent en 1795 sur les Monténégrins, qui s’enfuirent devant lui jusque dans les gorges de Tsetinié, où ils le cernèrent, le firent prisonnier et le décapitèrent.

Ali de Janina avait habilement profité de la guerre faite par le sultan au Visir de Skadar ; il s’était emparé d’Ocrida, dont il avait massacré tous les habitans mirdites et iliriens pour les remplacer par des hommes dévoués à sa cause. Ocrida commande avec Metzovo les seuls défilés par lesquels on puisse pénétrer de Constantinople et de la Macédoine en Albanie. Maître de ces deux points, Ali put isoler la Mirdita, la travailler en tous sens par ses émissaires et y semer la discorde. Les Mirdites déjouèrent ses efforts, et Ali fut réduit à tourner ses espérances vers des intrigues de harem. En 1819, il maria la fille aînée de son fils Veli au nouveau pacha de Skadar, le jeune Moustaï ou Moustapha. Épirotes et Mirdites confondus célébrèrent à Janina ces fiançailles par des orgies barbares ; mais Moustaï ne quitta point Skadar et envoya chercher sa fiancée par un bey des Dibres avec huit cents cavaliers. Ayant réussi à conclure ce mariage, Ali comptait bien en recueillir les fruits, c’est-à-dire supplanter Moustaï et donner des chefs toskes aux Mirdites. Le ciel avait décidé au contraire que le jeune Moustaï hériterait de la puissance du vieux lion, et que les Mirdites succéderaient en Albanie aux Toskes abat-