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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

l’imagine, l’histoire de son esprit. On lui demande vainement un corps de système ; il n’en livre que les apparences, le vêtement.

Peut-être est-ce un service à rendre à M. Pierre Leroux que de l’aider à sortir du brouillard qui l’enveloppe. On ne peut pas éternellement se tenir entre ciel et terre comme la fabuleuse pierre du tombeau de Mahomet, et une heure arrive où il faut prendre quelque part un point d’appui. Autant qu’on peut l’entrevoir, il semble que M. Leroux ne veuille pas être confondu avec les sectes communistes ; il faut alors qu’il s’explique d’une manière plus formelle qu’il ne l’a fait jusqu’ici. Il est vrai que, dans l’un de ses écrits[1], il commence par reconnaître que le corps de l’homme est « une chose, une véritable propriété, relativement à la force qu’il manifeste, et que, cette force ne pouvant se supprimer et agir indépendamment de lui, supprimer la propriété ce serait supprimer cette force. » Ce qui équivaut à dire, en des termes plus simples, que la propriété est de droit naturel, puisque l’homme peut et doit disposer librement de son corps. Mais ailleurs[2] l’auteur déclare qu’en fait de propriété, on ne peut admettre que celle qui ne détruira pas la communion de l’homme avec l’univers et avec ses semblables, et il ajoute que l’un des moyens de détruire cette communion, « c’est de diviser la terre ou en général les instrumens de production, d’attacher les hommes aux choses, de subordonner l’homme à la propriété, de faire de l’homme un propriétaire. » Voilà, à ce qu’il semble, une profession de foi assez explicite. L’homme dispose légitimement de son corps, mais la communion doit exister pour tout le reste. Il ne faut diviser ni la terre, ni les instrumens de travail ; il ne faut pas que l’homme, en un mot, soit propriétaire. Si ce n’est pas là une adhésion implicite au principe de la communauté, c’est que la langue symbolique de M. Leroux n’est pas celle de tout le monde. Les réserves qu’il exprime ne réparent rien et sont sans valeur. Est-il une seule théorie communiste qui ait stipulé que le corps de l’homme ne lui appartiendrait pas, que Paul aurait la faculté de vivre dans Pierre, Pierre dans Paul ? Ce passage n’est pas le seul d’où l’idée de la communauté se dégage. Plus loin, après avoir établi[3] que la communication de l’homme avec l’univers, sans barrières absolues, est de droit strict parce que l’univers est l’objet possible de l’homme, l’objet dont il est le sujet, il continue[4] : « Toute

  1. De l’Humanité, p. 170.
  2. Ibid., p. 175.
  3. Ibid., p. 182.
  4. Ibid., p. 190.