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TENDANCES NOUVELLES DE LA CHIMIE.

d’où s’échappe sans cesse cet aliment du règne végétal. Tout être organisé doit à la nature un compte exact de la matière qui lui fut prêtée et que la vie anima momentanément. Que cette force inconnue vienne à cesser d’agir, et la matière va retourner à la masse commune. Les principes immédiats disparaissent, les élémens se combinent de nouveau. De l’eau, de l’acide carbonique, de l’ammoniaque, de l’acide azotique, tels sont les principaux résultats de la décomposition des corps. Ces produits sont précisément ceux que nous avons vu être nécessaires à l’entretien des plantes, et ce fait nous explique l’utilité des engrais toujours composés de matières organiques en putréfaction. Enfin les volcans, les orages eux-mêmes, ont leur utilité directe. Des cratères fumans s’élancent dans les airs des torrens d’acide carbonique. Sous les coups redoublés de la foudre, l’azote et l’oxigène de l’air se combinent et forment l’acide azotique, l’azotate d’ammoniaque que les eaux pluviales entraînent dans le sol, comme l’a démontré le premier M. Chevreul, et que les radicules des plantes ne tardent pas à absorber. Admirable enchaînement de causes et d’effets, où les convulsions de la nature nous apparaissent comme des moyens de conservation, où la mort alimente la vie !

Qu’on nous permette ici une digression. Reportons-nous, par la pensée, à ces âges reculés où notre globe se reposait à peine au sortir des immenses cataclysmes amenés par un premier degré de refroidissement. Son écorce solide est formée : l’eau et le feu, comme lassés de leurs luttes gigantesques, semblent faire trêve et vouloir se partager le théâtre de leurs combats. Au milieu d’une mer sans bornes s’élèvent çà et là quelques îles plates aux rivages sinueux. Échauffée par ce feu central qu’elle vient à peine de recouvrir, la terre n’emprunte que peu ou point de chaleur aux pâles rayons du soleil : aussi n’existe-t-il pour elle ni zone torride ni cercle polaire. Partout une atmosphère également brûlante, surchargée de vapeur d’eau et d’acide carbonique, toujours voilée de sombres nuages que la foudre déchire à chaque instant, pèse sur ces plages primitives. Déjà la mer nourrit de nombreuses tribus de poissons, de polypiers, de mollusques : nul animal ne saurait encore respirer en nature cet épais mélange de gaz d’où l’oxigène disparaît presque en entier. Mais le règne végétal est à l’œuvre ; c’est lui qui va rendre la terre habitable. Surexcité par cet ensemble de circonstances, sous le pôle comme sous l’équateur, il déploie une incroyable activité. Partout où le sol a pu surgir au-dessus des eaux, il disparaît sous une végé-