Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

pas satisfaire. Leur idéal se résume donc dans un naturalisme où la fatalité tient une grande place, et qui les rattache à l’enfance des idées religieuses et philosophiques.

Sur ce terrain, il est évident qu’ils devaient rencontrer l’égalité absolue comme mobile social. Toutes les erreurs s’enchaînent. Si l’horizon de l’homme est limité au bonheur terrestre, si le sacrifice et le dévouement sont sans valeur comme sans but, il s’ensuit qu’en l’absence de toute compensation future, il faut poursuivre un équilibre immédiat, promener sur les existences un implacable niveau, et réduire les plus hautes aux proportions des plus petites. Ici pourtant la loi naturelle condamne formellement ceux qui tout à l’heure s’en faisaient un appui. L’égalité absolue est si incompatible avec la destinée sociale et les relations des êtres, que, même abstraitement, les communistes les plus ingénieux n’en ont pu avoir la conception complète. Dans aucun des termes de la vie matérielle, l’égalité ne peut se réaliser : si tous les hommes ne consomment pas également, ils ne produisent pas non plus également. De là une souveraine injustice, car il se rencontre souvent que les plus exigeans sont aussi les moins laborieux. Au sein des petites communautés expérimentales de Robert Owen, cette circonstance s’est toujours produite. On a beau alléguer que le dévouement y suppléera et que le régime commun n’en est pas à quelques différences près entre les individus : cela prouve seulement qu’un système d’égalité rigoureuse est une chimère, même aux yeux de ceux qui la poursuivent. C’est une véritable inconséquence que de condamner une société parce qu’elle impose des sacrifices aux uns au profit des autres, et de proclamer ensuite un ordre nouveau où le sacrifice se constitue sous une forme plus odieuse encore. Avec une répartition qui se mesure sur les œuvres, on a aujourd’hui une justice relative ; avec une distribution des fruits du travail indépendante du travail même, on aurait une iniquité absolue.

Plus on pénètre dans l’examen des idées communistes, plus leur impuissance se révèle. Rien n’y a de sanction ; tout flotte au hasard. Souvent les prétentions les plus contraires s’y trouvent en présence. Dans la sphère politique, les uns appellent une dictature inflexible qui sache imposer au besoin le respect de la communauté ; les autres proclament formellement l’anarchie, c’est-à-dire l’absence de maîtres. Il faut pourtant choisir et ne pas aller de la sorte d’un pôle à l’autre. Une communauté sans lois qui règlent, sans autorité qui la maintienne, n’est autre chose que le paradoxe brillant du Discours