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DES IDÉES ET DES SECTES COMMUNISTES.

partisans de la communauté libres d’en vanter les bienfaits et d’en célébrer l’excellence.

Pour le triomphe de leurs projets, les communistes comptent moins, il est vrai, sur ce qu’ils apportent que sur ce qu’ils suppriment. On vient de voir qu’en vue de leur principe constitutif, ils abolissent la discussion, c’est-à-dire la vie ; en l’honneur de leur principe économique, ils détruisent la propriété individuelle, c’est-à-dire l’activité. Il faut être peu versé dans l’histoire et dans la science des intérêts, pour ignorer que la communauté n’est pas une combinaison nouvelle et qu’elle a présidé à la première exploitation du globe. Elle a précédé la propriété comme le grain précède la plante ; elle ne peut pas à la fois avoir été le rudiment de la civilisation et en être le dernier mot. Les communistes se trompent de date : ils se croient au temps où l’homme n’avait que la voûte du ciel pour abri, et pour nourriture le gland du chêne. Alors le sol n’était pas découpé par morceaux ; sur aucun point, on ne voyait de haies ni de barrières. L’usage des fruits de la terre était un droit que rien ne pouvait ni limiter ni prescrire ; les tribus humaines se partageaient le désert et jouissaient en commun de la solitude. Si c’est là que l’on veut en revenir, le moyen est infaillible. Mais, pour quiconque ne se sent pas porté vers la vie primitive, la propriété est le véritable lien social. La vertu de la propriété se prouve par sa marche historique. Elle a formé le premier anneau d’une solidarité défensive entre les hommes ; elle a fondé le travail en assurant au travailleur la jouissance de ce qu’il pouvait produire. Sous cette garantie, l’activité individuelle s’est éveillée ; le besoin grossier a déterminé le premier effort ; le raffinement des besoins, d’autres efforts successifs, et c’est ainsi que depuis cinq mille ans l’humanité roule son rocher de Sysiphe. Voilà la fonction de la propriété ; elle est la mère des civilisations actuelles, et la prospérité des territoires peut se mesurer sur le degré de sécurité dont elle y jouit : florissans quand elle est respectée, misérables quand elle est en butte aux insultes, ils en suivent les phases, les fluctuations, les vicissitudes. Aujourd’hui encore l’état des pays orientaux, comparé à celui du continent européen, peut servir à constater la distance qui sépare une propriété respectée d’une propriété sans garanties. La communauté conduirait bien plus loin encore dans les voies d’une infériorité d’exploitation et d’une décadence territoriale.

Les partisans de la communauté sont de singuliers économistes. Ils prennent le globe au point où la propriété individuelle l’a conduit, trouvent que la richesse acquise sous ce régime est bonne à partager,