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Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/472

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REVUE DES DEUX MONDES.

D. — Avez-vous quelque raison de croire que ces violences fussent spécialement dirigées contre vous ?

R. — Oui. J’étais le plus impopulaire des deux, parce que j’avais appuyé la nouvelle loi des pauvres. Je n’ai pas le moindre doute qu’il y avait des gens dans la ville très déterminés à me tuer, s’ils avaient pu me prendre. »

Il paraît qu’il en coûte, en Angleterre, pour être candidat, pour être élu, et pour avoir été ministre.

M. Larpent, le collègue de sir John Hobhouse, avait aussi pris sa part de ces faveurs populaires. Lors de sa précédente candidature, il n’avait pu paraître dans les rues sans recevoir des pierres : pour se mettre à l’abri d’un semblable accueil aux élections générales, il eut soin d’engager une bande nombreuse de gens qu’on appelle, en langage technique, des agneaux (lambs). Les agneaux ne sont autre chose que des freemen que l’on emploie comme coureurs et comme canvasseurs adjoints ; on leur donne généralement trois shellings par jour ; la paie se fait le samedi, et cet argent s’appelle encore « l’argent du panier. » M. Larpent se vit donc dans la nécessité de se faire une garde du corps avec ces agneaux.

« Ces lambs, dit-il, coûtent très cher, et sont certainement très répréhensibles ; mais, pour montrer où en étaient les choses, je dirai que, le jour de la nomination, j’allais à la bourse, donnant le bras à lord Rancliffe ; un homme s’avança par-dessus la foule pour nous donner un coup, et, comme j’étais plus grand que lord Rancliffe, ce fut moi qui le reçus. Un de nos amis jeta cet homme par terre ; mais il fut à son tour renversé sur lui, et une bataille commença… J’eus à faire des dépenses énormes. Pour tous les comités, il y avait des avocats, des messagers, des imprimeurs. Comme mon concurrent (M. Walter) avait des relations avec la presse, il envoya de Londres à Nottingham des journalistes qui créèrent immédiatement un journal contre moi. Je fus obligé de faire comme eux et de riposter par un autre journal. Tout cela m’a coûté beaucoup d’argent, en coureurs, en imprimeurs, en écrivains, etc. »

Les agneaux, à Nottingham, étaient divisés en sept districts ; chaque district avait un comité, et il y avait en outre un comité général. Mais, quand on les payait à l’avance, ils ne gardaient pas toujours leur parole et se faisaient payer une seconde fois par le parti opposé pour faire volte-face. La vénalité s’étalait en plein soleil, et le rapport de la commission d’enquête abonde en exemples de ce genre. Un agent des candidats whigs disait dans sa déposition :