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n’est pas convaincu du crime qu’on lui impute, ont cependant le pouvoir de l’en déclarer véhémentement soupçonné, et de lui appliquer à ce titre une peine extraordinaire, telle que les galères au lieu de la peine capitale, la prison au lieu des galères ?

Nous disions qui voudrait avoir quelque chose de commun avec ces tribunaux, car, il faut bien le dire, celui qui extrade participe à l’action de la juridiction étrangère, il s’en fait l’auxiliaire, il en devient le commissaire de police, le gendarme. Seulement sa participation est toute volontaire, elle ne lui est pas imposée par des liens hiérarchiques ; il n’avait pas seulement le droit, il avait l’obligation d’examiner si cette participation était un fait légitime et moral.

Je sais qu’il ne faut pas avoir la présomption d’imposer ses idées, ses usages, ses lois à tous les peuples avec lesquels on est appelé à soutenir des relations internationales. Il faut savoir apprécier les institutions qui nous sont étrangères, et reconnaître que, dans une certaine mesure du moins, elles peuvent aussi donner des résultats satisfaisans. Ainsi je conçois qu’un pays possédant l’institution du jury puisse conclure une convention d’extradition avec un pays où le verdict, après une procédure orale et publique, serait prononcé par des juges. Je conçois même, à toute rigueur, qu’un pays jouissant de la procédure orale et publique puisse admettre certains cas d’extradition à l’égard des pays à procédure écrite, si d’ailleurs cette procédure y est entourée de garanties suffisantes. Mais là s’arrêtent les concessions possibles ; peut-être même les poussons-nous trop loin, car il ne nous est guère donné de comprendre par quelles garanties on peut écarter les dangers de la procédure écrite et par cela même secrète.

Telles sont, ce me semble, les conditions qui seules peuvent légitimer une convention d’extradition, et ici j’éprouve le besoin de vous dire que cette théorie ne s’est pas présentée à mon esprit aujourd’hui, au sujet du différend qui vient de s’élever entre les États-Unis et le gouvernement britannique. Je l’ai exposée, il y a vingt ans, dans les Annales de législation.

L’application de ces principes au fait de la Créole n’est pas difficile. D’un côté, l’Angleterre n’est liée par aucun traité ; de l’autre, elle devait refuser l’extradition des noirs qui venaient de s’affranchir, parce que le fait qui leur était imputé n’était pas un crime de droit commun.

Ces noirs se sont révoltés ; ils ont mis à mort leur maître, blessé plusieurs officiers de l’équipage, et pris possession du navire qu’ils