Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 31.djvu/499

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
495
LES VANLOO.

souvent Jean-Baptiste Vanloo en racontant sur ses vieux jours l’histoire de son mariage, car l’homme de loi l’avait forcé de rendre ledit arrêt exécutoire.

Il demeura un an à Toulon, travaillant à une sainte Famille pour l’église des Dominicains, peignant des portraits sur des cartes autant pour se délasser que pour augmenter ses revenus. Tout allait pour le mieux : sa femme, qui ne perdait pas de temps, venait d’accoucher d’un fils ; mais le duc de Savoie, Victor-Amédée, vint alors assiéger Toulon. Craignant la guerre pour sa femme, pour son enfant, peut-être aussi pour lui, il voulut se réfugier à Aix. Comment aller jusque-là ? pas une seule voiture ! Un homme de bonne volonté n’est jamais en peine : il acheta un âne, y jucha sa femme et son fils, âgé de cinq semaines, conduisit à pied la petite caravane, arriva bravement à Aix sans se plaindre et sans sourciller. C’était là, j’imagine, un fort joli tableau de genre qui doit compter dans l’œuvre de Jean-Baptiste Vanloo.

Il resta cinq ans à Aix, côtoyant tour à tour la misère et la fortune, comme il fit durant toute sa vie. Parmi ses travaux à Aix, on n’a pas oublié une Annonciation, peinte pour les Jacobins, une Agonie de saint Joseph pour l’église de la Madeleine, une Résurrection de Lazare pour le chapitre des pénitens blancs aux Carmes, un grand nombre de bons portraits comme celui de l’archevêque d’Arles, M. de Mailly ; enfin un plafond d’une maison de campagne d’un commissaire des guerres, où il a représenté l’assemblée des dieux.

En 1712, un pressentiment l’appelle à Nice, où son père, Louis Vanloo, travaille avec toute l’ardeur de la jeunesse ou plutôt du vrai talent ; à peine est-il arrivé que son père meurt, laissant de grandes toiles inachevées. Que va faire Jean-Baptiste ? Sa mère est sans ressources, il va travailler pour sa mère. Il passa dix-huit mois à achever les derniers tableaux de Louis Vanloo. À son tour, il était sans ressources, placé entre une femme et six enfans ; toutes ces jolies bouches qui l’embrassaient lui demandaient du pain et tout ce qui s’ensuit. Le pauvre homme, très tendre et très dévoué, ne savait plus où donner de la tête quand le prince de Monaco (j’en demande pardon au roi de France et à tous les rois du monde) l’appela à sa cour pour peindre leurs altesses royales les princesses du sang ses filles. Il fut payé royalement en bonne et valable monnaie ayant cours même au-delà des états de Monaco.

Il partit alors pour Gênes, où il ne perdit pas son temps ; de Gênes, il alla à Turin au palais du prince de Carignan. Il fit le portrait de ce