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demandé que la garde des frontières belges fut confiée à ses douaniers, et elle ne pouvait pas le demander dès l’instant qu’il n’y avait identité de tarifs que sur un article, et que le tarif belge demeurait en vigueur sur tous les autres. Les douaniers belges vont donc être vus à l’œuvre. Les Anglais feront sans aucun doute de grands efforts pour introduire leurs fils en contrebande ; ils se vantent déjà de leurs espérances sous ce rapport. Repoussés de France, c’est surtout en Belgique qu’ils tenteront de pénétrer. Si la douane belge fait bien son devoir, il n’y aura plus les mêmes motifs en France pour se défier d’elle, et ce sera autant de gagné pour la facilité des négociations futures.

La convention du 16 juillet a déjà montré autre chose, c’est que la Belgique n’est pas libre de nous refuser, le jour où nous voudrons sérieusement l’union. La seule menace de l’application à la Belgique des dispositions de l’ordonnance du 26 juin a failli amener un soulèvement dans les Flandres. Le ministère s’est cru dans la nécessité d’annoncer officiellement le traité aux intéressés, dès qu’il a été signé et avant même qu’il eût été autorisé par les chambres. Dans les chambres elles-mêmes, les témoignages de malveillance contre la France n’ont pas manqué, mais les plus opposés à notre pays ont été forcés de convenir qu’il était impossible de ne pas accepter le traité. Il n’y a eu d’opposition sérieuse nulle part. C’est qu’en effet il s’agissait de se fermer ou de se conserver un débouché qui est actuellement de 11 millions par an, qui a été autrefois plus considérable, et qui le redeviendra certainement sous l’empire du traité.

On a parlé quelquefois en Belgique d’un rapprochement commercial avec l’Angleterre et l’Allemagne. Ce qui vient de se passer montre tout ce que de pareilles idées ont de chimérique. Quand la France a demandé à la Belgique de s’unir avec elle contre l’Angleterre, la Belgique n’a pas pu hésiter. L’industrie belge et l’industrie anglaise sont des ennemies naturelles ; elles ont les mêmes produits. Quant à l’industrie allemande, elle n’est pas aussi dangereuse ; mais ce qui manque en Allemagne, c’est la consommation. Par des raisons très différentes sans doute, mais qui conduisent au même résultat, l’Angleterre et l’Allemagne ne peuvent pas offrir à la Belgique de véritables débouchés. À l’heure qu’il est, la France reçoit la moitié des exportations totales de la Belgique, 70 millions en moyenne sur un total de 140. La Prusse au contraire n’en reçoit qu’un septième, 20 millions environ, et l’Angleterre qu’un peu plus du dixième, de 14 à 15 millions.

De pareils chiffres sont significatifs, surtout avec le commentaire qu’ils viennent de recevoir. La Belgique est naturellement, inévitablement, notre alliée commerciale comme notre alliée politique. La force des choses l’entraîne vers nous. C’est à nous seuls à voir si nous voulons l’accueillir ou la repousser.

Notre industrie linière était une de celles qui avaient le plus à redouter la concurrence de la Belgique. Il faut espérer que cette industrie, un moment menacée, va grandir à l’abri de l’ordonnance du 26 juin et de la loi du 6 mai 1841, et se mettre bientôt en état de lutter à armes égales contre sa rivale de