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rent le plus, l’organisation d’une régence testamentaire, si elle ne se trouve pas conforme au vœu général, survit rarement au pouvoir qui l’avait imaginée.

Qu’y a-t-il de commun entre ces faits et notre situation politique ? Rien, absolument rien. Le principe électif ne tarderait pas à devenir chez nous une cause d’agitations et de troubles. Il mettrait en mouvement tous les partis, toutes les coteries, toutes les vanités. Le flot de cette mer orageuse pénétrerait jusque dans le sanctuaire élevé de la royauté. Et quelle serait la voix puissante qui, au milieu de cette tempête politique, pourrait faire entendre un redoutable quos ego ? Que serait-ce si l’élection venait à se faire à la dernière heure d’un règne, peut-être même après la mort du roi ?

Ne jugeons pas le principe électif par les circonstances du moment. Aujourd’hui, on peut le dire sans l’ombre même de la flatterie, il serait impossible de se tromper, il serait impossible de faire un mauvais choix. La perte cruelle que nous avons éprouvée a éveillé dans toutes les ames des sentimens si vifs et des pensées si graves, que nul n’oserait aujourd’hui imaginer d’aller chercher un régent ou des co-régens hors de la famille royale. Et qui ne sait que l’élection ne trouverait aujourd’hui autour du trône, quels que fussent l’âge et le sexe du régent choisi, qu’un esprit des plus éclairés, un caractère élevé, un dévouement sans bornes à la France ?

Remercions la Providence de ce bienfait ; mais ne ramenons pas une question de principes à une question de personnes ; ne cherchons pas ce que l’élection produirait aujourd’hui, mais ce qu’elle pourrait produire dans l’avenir. Jugeons le principe en lui-même et considéré dans ses rapports avec notre système politique, avec notre démocratie. Or, nous qui sommes sincèrement et profondément attachés à ce système, nous qui désirons avant tout le voir marcher et se développer paisiblement, régulièrement, et donner un long démenti à ces pessimistes qui ne demanderaient pas mieux que de le pouvoir un jour condamner par ses écarts et ses folies, nous savons que la démocratie a besoin de règles immuables, que la loi, que la loi positive lui est plus nécessaire qu’à tout autre gouvernement. Ces règles sont des digues qu’elle se donne à elle-même, pour que son énergie se trouve contenue, et qu’elle puisse ainsi, dans son cours majestueux, se creuser un lit profond et durable. Le principe électif introduit dans la régence porterait une atteinte grave à l’institution monarchique. Dans les démocraties, la mauvaise logique, la logique des apparences et des analogies trompeuses, fait souvent illusion aux meilleurs esprits, et comme dans ces gouvernemens on ose le plus souvent tout ce que l’on pense, et que toute pensée hardie trouve facilement au dehors impulsion et faveur, le principe tutélaire de l’hérédité monarchique pourrait être affaibli dans l’opinion commune par la régence élective. Disons-le : la régence élective est une sorte de république temporaire, avec un enfant couronné dans le fond du tableau. Laissons ces moyens périlleux à l’aristocratie anglaise, qui, en admettant le mal, porte du moins en elle-même le